MILES DAVIS et JOHN COLTRANE : Histoire d’une rencontre tumultueuse 

L’histoire du jazz est riche d’histoires de rencontres décisives qui ont changé son cours. De ces réunions improbables entre deux fortes personnalités finalement condamnées, un jour ou l’autre, à se croiser et dialoguer pour inventer ensemble un nouvel horizon. A preuve, les rencontres entre Louis Armstrong et Earl Hines, Django Reinhardt et Stéphane Grappelli, Dizzy Gillespie et Charlie Parker, Charles Mingus et Eric Dolphy, etc. L’histoire de la rencontre musicale qui rapprocha pendant plus de cinq années, de 1955 à 1960, les destins de deux géants du jazz moderne, est l’objet d’un coffret magique : « Miles Davis with John Coltrane : The Complete Columbia Recordings ». 

Miles Davis John Coltrane
Miles – Coltrane

Retour sur une aventure aussi passionnée que tumultueuse qui bouleversa le langage et le paysage du jazz : 

En cette fin de l’année 55, Miles Davis est un homme heureux. L’année précédente, après moult tentatives infructueuses, il a enfin réussi à décrocher de la drogue et à devenir « clean ». En juillet, invité surprise du premier festival de Newport, il connaît un triomphe inespéré en jouant « Round Midnight » aux côtés de Thelonious Monk. A peine sortie de scène, le producteur George Avakian lui tombe dessus pour lui demander de signer un contrat d’exclusivité avec le prestigieux label Columbia. A l’époque, Miles était sous contrat chez Prestige jusqu’en 1956. Il trouvera vite avec Avakian une parade astucieuse : il enregistrera très vite les quatre disques qu’il doit à Bob Weinstock, le patron de Prestige, mais aussi, en cachette, pour Columbia, dès octobre 55, des bandes qui ne sortiront finalement qu’en 1957. Ce sera l’album « Round about Midnight » qui connaîtra tout de suite un formidable succès public.

A l’automne 55, Miles Davis a constitué un tout nouveau quintette composé de Philly Joe Jones à la batterie, Paul Chambers à la contrebasse, Red Garland au piano et de John Coltrane au sax. « Ce groupe est vite entré dans la légende, dira Miles dans son autobiographie, et m’a permis d’exister enfin sur la carte du monde musical ». Nés tous les deux en 1926, Miles et Trane n’avaient en fait que quatre mois de différence. Mais, au niveau de la notoriété et de la maturité, la différence était beaucoup plus importante. Le jour et la nuit. Alors que Miles pouvait se vanter d’être déjà une « vedette » du jazz, d’avoir joué tout jeune aux côtés de Charlie Parker et participé activement à la naissance du cool, le saxophoniste n’était encore qu’un illustre inconnu. A preuve, on ne connaît quasiment pas de solos de Coltrane avant sa venue chez Miles si ce n’est de courtes interventions à l’alto dans l’orchestre de Johnny Hodges ou dans le sextette de Dizzy Gillespie. C’est donc bien Miles qui le premier sortit « Trane » de l’anonymat pour le propulser sur le devant de la scène.

Budo. Miles Davis quintet

Entre eux naquit tout de suite une amitié durable, une complicité musicale rare et profonde. « J’adorais John, confesse-t-il. C’était un type très spirituel. ». Pourtant leur personnalité était pour le moins contrastée. Miles jouait au dandy surdoué qui ne donnait jamais l’impression d’avoir à travailler son instrument et qui, dès qu’il avait fini de jouer, ne s’intéressait au sortir d’un concert ou d’un club qu’à la jolie fille avec qui il passerait la nuit. Coltrane était tout le contraire. La musique était toute sa vie. C’était un obsédé du sax qui travaillait son instrument jour et nuit, comme un forcené. Il appelait Miles « professor », ce qui avait le don d’agacer le trompettiste, et n’arrêtait pas de le harceler « de putains de questions sur ce qu’il devait jouer ou ne pas jouer ».

Miles Davis John Coltrane
Miles – Coltrane

Le principal problème de ce quintette de rêve, c’est qu’à l’exception de Miles, les quatre autres musiciens étaient tous gravement accros à l’héro. Miles souffrait particulièrement de voir « Trane » conspirer avec autant d’obstination contre lui-même et s’auto-détruire en buvant des quantités d’alcool et prenant des doses de drogue vraiment hallucinantes. « Il était comme Bird. Quand on est un génie de ce calibre, on voit et vit les choses à l’échelle supérieure, c’est à dire à l’excès. On devient une espèce de monstre ». Excédé par ses abus, plusieurs fois Miles vira Coltrane de l’orchestre. « Un soir à New-York, j’étais tellement en rogne de le voir aussi abruti par la dope que je l’ai boxé dans les loges. Coltrane n’a même pas réagi. Seul Monk qui assistait à cette pénible scène lança à John : « Tu ne vas pas accepter de te faire maltraiter de la sorte. Quitte ce mec et viens jouer avec moi ». Traumatisé d’être une nouvelle fois renvoyé de l’orchestre, Coltrane prit enfin, au printemps 57, la décision de faire « cold turkey », c’est à dire un sevrage de drogue radical et définitif en s’enfermant dans une chambre solitaire pendant plus d’une semaine. 

Cette épreuve fut pour Coltrane, qui se sentit soudainement « investi d’une mission musicale », une vraie Rédemption : « J’ai fait alors l’expérience d’un réveil spirituel qui m’a conduit à une vie plus pleine, riche et créative. » Après avoir joué dès juillet 57 plusieurs semaines avec Monk au Five Spot pour y expérimenter une nouvelle liberté dans sa façon de jouer et enregistré « Blue Train » pour Blue Note, John réintègre en décembre 57 l’orchestre de Miles qui devient alors sextette avec l’arrivée de Cannonball Adderley à l’alto. Bientôt Bill Evans remplacera Red Garland. C’est ainsi qu’au printemps 59, Miles et ses complices enregistrent en deux séances « Kind of Blue », le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre, un pur joyau du jazz moderne qui semble aujourd’hui aussi neuf et parfait qu’au premier jour. 

C’est dans cet album (le tout premier 33 tours que j’ai jamais acheté chez le disquaire Raoul Vidal, place Saint Germain-des-Prés – j’avais 15 ans !! – dans sa splendide version Fontana publiée par Boris Vian !!!!) que se joue, sur la durée, le tournant du jazz modal déjà expérimenté dans « Milestones » au printemps 58. C’est aussi dans ce disque phare que l’on trouve « So What », « le solo de trompette le plus lyrique du XXe siècle, la première improvisation modale consciente d’elle-même » selon George Russell. John Coltrane s’en souviendra lorsqu’il enregistrera peu après « Impressions ».

Après une ultime tournée en Europe pendant l’été 1960 au cours de laquelle il se fera copieusement huer à l’Olympia, le saxophoniste quittera définitivement l’orchestre pour voler de ses propres ailes, créer son propre quartet et éclabousser de tout son génie la décennie à venir. Mais cela est une autre histoire…

Dear Old Stockholm. Miles Davis quintet

Pascal Anquetil 

Miles Davis with John Coltrane : « The Complete Columbia Recordings », un coffret Sony de 6 CD, dont 18 prises inédites, accompagné d’un livret de 116 pages avec de nombreuses photographies.

Les génies décisifs : Louis Armstrong

pascal Anquetil

Le blog est heureux et fier de pouvoir publier les merveilleux textes d’une des plus belles plumes du jazz : Pascal Anquetil

LOUIS ARMSTRONG : Le grand fauve enroué du jazz universel

Louis Armstrong : 4 août 1901 à la Nouvelle-Orléans – 8 juillet 1971 à New York

Et si un coup de pistolet tiré en l’air la nuit du Nouvel An 1913, dans les rues de la Nouvelle-Orléans, avait tout simplement décidé de l’avenir du jazz ? Pour ce geste, un gamin de douze ans fut envoyé dans une institution à mi-chemin entre l’orphelinat et la maison de correction. C’est là, grâce aux leçons d’un certain Peter Davis, que Louis s’initia à la musique sur un cornet cabossé. Sans ce coup de revolver à blanc, que serait devenue la musique noire ? On en frémit rétrospectivement

louis Armstrong
Louis Armstrong

À l’orée du siècle, le surgissement d’Armstrong sur la scène naissante du jazz  a opéré une révolution aussi décisive que celle qui sera plus tard ouverte par Charlie Parker, puis John Coltrane. Quand Louis débarque en 1922 à Chicago, les jeux étaient loin d’être faits. Le jazz encore adolescent hésitait entre deux tentations : la solution « symphonique », rococo et mielleuse, pompeusement orchestrée façon Paul Whiteman (qui s’était autoproclamé « King of jazz ») et la réponse « hot » avec sa joyeuse polyphonie spontanée et un peu brouillonne, façon King Oliver. À la tête de son Hot Five, puis Hot Seven, en quelques éclats de cornet, puis de trompette, Louis règle très vite le dilemme. Il impose « sa » voix dans toute sa superbe singularité. Il « invente » le solo et le soliste, trouve des formes neuves de l’improvisation, enfin délivrée du carcan collectif. 

C’est à Louis que le jazz doit d’avoir atteint à l’universel. Improbable alchimiste qui transforma sans le savoir le cuivre en or, Armstrong fut d’abord un explorateur du son. Son premier génie, ce fut de donner à chaque note une attaque, puissante et tranchante, mais aussi une altération, une durée, une hauteur et une intensité qui en font à chaque fois un instantané explosif d’émotion. Sa sonorité, tout à la fois dure et pure, avec ses vertigineuses ascensions dans l’aigu, ouvre, découvre tout à coup un nouveau monde.

Comme tous les géants du jazz, Satchmo s’impose aussi comme un maître du silence, cet instant d’espérance qui n’est pas du vide, mais toujours, en suspens, la promesse d’un supplément de musique. En trouvant sans chercher une certaine façon de poser les notes sur les temps, en déroulant des phrases idéalement équilibrées, jamais trop longues, jamais trop courtes, en improvisant des découpages rigoureux, il a été le premier jazzman à doter ses solos d’une logique et d’une architecture irréfutables. Doué d’un sens naturel de la mise en place, il fut enfin l’inventeur du « swing ». Avant lui, tout le monde jouait « raide » ;  avec lui, tous les musiciens jouaient mieux. « À la trompette, a dit un jour Miles Davis, on ne peut rien jouer qui ne vienne de lui, pas même les trucs modernes ».

Rarement artiste, sorti d’un misérable ghetto, aura autant pesé sur la musique de son siècle et son avenir. Tout ce qu’il joue brille d’une allégresse solaire. Tout ce qu’il chante de sa voix éraillée, rocailleuse, voilée d’un halo de chaleur, dit avec une totale sincérité tous les émois du cœur. Avec Louis, c’est l’homme qui souffle et qui chante, mais c’est toujours  la musique qui parle et qui triomphe. Armstrong sait comme personne colorer une note d’un vibrato poignant, l’attendrir d’inflexions douces et la hisser aux cimes du sublime. La force d’Armstrong est d’avoir su s’élever tout seul au-dessus des modes et des formes, renverser la barrière des styles pour réaliser la perfection d’une musique nouvelle qui va incendier tout le siècle.

louis Armstrong
Louis Armstrong

Si Louis Armstrong fut un authentique révolutionnaire, il ne fut jamais en revanche un révolté. Paradoxe : celui qui fut le premier « jazz messenger » ne se considérait pas comme un « jazzman », encore moins un créateur ou un précurseur, mais comme un simple « entertainer », dévoré par l’inextinguible besoin de plaire. Jamais sa joie de vivre ne l’empêcha d’être tout au long de sa carrière fidèle à une certaine idée, presque austère, du  professionnalisme. Pourquoi ? Sa surprenante définition du jazz en fait foi : « gagner ma vie ». 

Mais l’important chez lui est ailleurs. Jamais cet « amuseur public » ne s’est  une seule fois autorisé à tricher ou plaisanter avec la musique et ses enjeux  artistiques. Parce que sa grande passion fut toujours le public, « la chose la plus importante pour laquelle on puisse vivre. On m’accuse souvent d’être un  clown, répondra-t-il à ceux qui lui reprochaient ses grimaces, ses yeux qui roulent et son « oncle-tomisme ». Mais  c’est merveilleux un clown. Rendre les gens heureux, les entendre applaudir, c’est cela le vrai bonheur. » Et le public lui rendit son amour au centuple en faisant à cet ambassadeur du swing, sans la moindre éclipse en un demi-siècle, toujours la même fête.

Louis Armstrong, génie malgré lui ? Sans doute. Mais c’est à « ce grand fauve enroué » (Henri Guillemin) qui, entre deux éclats de rire, passa sa vie à jongler avec les étoiles que l’on doit que cette rustique musique folklorique néo-orléanaise ait réussi si vite à devenir planétaire. 

Louis Armstrong Hot Seven. 1927 Struttin’ With Some Barbecue

La carte de Louis Armstrong dans le jeu de 7 familles !

Interview de Nicolas Folmer

Nicolas Folmer est un trompettiste, compositeur, arrangeur et pédagogue de premier plan. Il irradie de ses multiples talents la scène jazz de l’hexagone, et plus particulièrement du Sud-Est où il réside. Docteur Jazz l’invite à animer un stage de rythmique jazz en octobre 2023, et lui a posé quelques questions sur son parcours…

Nicolas Folmer
Nicolas Folmer

DJ : Bonjour Nicolas, peux-tu nous parler un peu de ton parcours. 

NF : J’ai grandi dans une petite ville de Savoie où j’ai commencé la musique à 7 ans.  

Mon premier professeur à l’école de musique m’a donné confiance, envie de jouer et pendant l’été, c’est le facteur du village de ma mère (Guillaumes 06) qui m’a appris à jouer à l’oreille et transmis la passion de la musique, du partage. Nous jouions dans les « festins » d’été dans le sud et les fêtes patronales. 

La bienveillance de ces personnes et les valeurs qu’elles m’ont transmises ont beaucoup compté dans ma construction. 

Vers l’âge de 10 ans, je suis entré dans un big band junior dirigé par un musicien très charismatique et multi-instrumentiste (Thierry Cazenave). Nous avons travaillé avec François Jeanneau alors directeur de l’ONJ pendant une semaine. Je pourrais élaborer un « story telling » séducteur en vous disant que ça avait été une révélation. Honnêtement, mon oreille de l’époque n’a pas compris grand-chose à la musique de François et son ONJ, mais une graine était semée…

Je me souviens encore aujourd’hui de la musique que nous avions travaillée : Jazzopithèque, Cilaos, Boucan Canot… 

Par la suite, ma véritable « star » de la trompette a été Pierre Drevet, arrangeur également et habitant proche de chez mes parents, j’en suis devenu très rapidement fan. J’ai réussi après un parcours du combattant à m’inscrire à son cours pendant 2 ans. J’y buvais littéralement ses moindres paroles. 

J’ai également travaillé avec Michel Rigot et Michel Ricquier qui enseignaient la trompette classique au conservatoire de Chambéry. 

En 1993, j’ai fini ma scolarité au conservatoire de Chambéry et je suis rentré au conservatoire de Paris sur conseil de François Jeanneau qui y avait monté le département l’année d’avant. 

A 17 ans, passer de ma petite ville de province, chez mes parents, à la capitale et son mythique conservatoire fut un choc mémorable.  

J’ai commencé alors à faire « le métier ». Au début surtout dans des groupes de salsa. Dans les années 1995-2000, cette mode battait son plein. J’avais étudié un peu cette musique à Chambéry, je lisais bien la musique, ce qui a déclenché mes premières opportunités en tant que remplaçant au pied levé.  

Puis, j’ai commencé à jouer dans presque tous les big bands, d’abord comme remplaçant puis pour certains, comme titulaire. 

J’ai notamment joué dans le big band de Serge Adam « quoi de neuf docteur ».  

Nous avons enregistré un disque de sa musique « 51 below », très original, complexe mais accessible, et de haut niveau. J’avais un solo sur une démarcation de « Eyes of the Hurricane » d’Herbie Handcock , rebaptisé «  Jungle hurricane » par Serge, un tempo très rapide. 

J’ai ainsi pu me faire connaître et être recruté par Didier Levallet sur conseil de François Jeanneau pour son Orchestre National de Jazz, j’y ai joué de 1997 à 2000.  

Didier Levallet est un homme très bienveillant, avec beaucoup de sagesse et qui laissait ses musiciens s’exprimer librement musicalement. J’étais encore un ado lorsqu’il m’a recruté. Son regard m’a porté et donné confiance en moi et sa vision a ouvert mon esprit également. Je vous avoue l’avoir réalisé quelques années après. 

J’ai ensuite créé en 1998 « Le Paris Jazz Big Band » avec Pierre Bertrand, un camarade du conservatoire, que les arrangeurs connaissent bien. C’est un passionné comme moi par ce format.

L’orchestre a duré 13 ans, c’était un laboratoire incroyable. Nous y jouions notre musique sans concession. Le casting conférait également à l’orchestre une personnalité unique par la forte personnalité des solistes qui le composaient. Je dirai qu’il y avait un côté « village d’Astérix et Obélix » avec pour potion magique le plaisir de se retrouver. 

J’ai commencé également à travailler avec « Kosinus » comme illustrateur sonore, je continue à ce jour. C’est une excellente école de l’écriture, et son éditeur Eric Mallet m’a énormément apporté et aidé à construire différentes façons d’écrire, de répondre à un cahier des charges établi, à fixer une cible bien précise quant à la direction artistique. 

J’ai commencé à enregistrer également mes projets en 2004, en parallèle du big band et de mes activités de sideman (notamment le groupe de Dee Dee Bridgewater, Lucky Peterson, Richard Galliano, Kyle Eastwood…). J’ai enregistré 11 albums comme soliste à ce jour.  

La même année, j’ai été recruté également pour monter le cursus de la classe de jazz de l’actuel CRR de Toulon qui n’était alors pas labélisé comme tel et se structurait pour le devenir. Transmettre est induit une nécessité d’évolution personnelle et de remise en question perpétuelle. J’adore le sud de la France et particulièrement le Var et le haut pays niçois. 

En 2010, j’ai créé un premier festival avec la SPEDIDAM. Ce festival est devenu « pilote « du réseau SPEDIDAM. J’ai créé 4 festivals en tout dans ce cadre. Contribuer à la diffusion de cette musique et à la mise en relation des artistes et de leur public dans de bonnes conditions me tient à cœur, c’est un véritable acte militant pour soutenir notre profession et contribuer à la diversité et la richesse culturelle de notre pays. 

En 2022, j’ai rencontré François Veillon et un lieu magnifique à Toulon ou j’habite : « Le télégraphe ». Il m’a proposé d’y créer un lieu qu’il a baptisé « le Folmer Club » 

Initialement, « Folmer Show », mais connaissant l’esprit taquin du métier, j’ai préféré son option « Folmer club ». L’idée est de proposer une programmation de créations, de rencontre d’un haut niveau artistique, d’y créer un « orchestre maison ».  Depuis octobre, le démarrage s’est fait en trombe, affichant complet tous les concerts. Cette nouvelle aventure me passionne. 

Nicolas Folmer

DJ : Quelle sont tes principales influences ?

NF : J’ai commencé à écouter du jazz par le jazz rock, les frères Brecker. Je garde un lien affectif très fort avec leurs albums, puis le big band lumière de Laurent Cugny dont j’ai fait partie un temps, puis Wynton Marsalis. 

Voici l’explication : lors de mes jeunes années, il n’y avait pas d’internet, les CD étaient chers et étaient la seule possiblité d’accès. Dans ma petite ville, on trouvait plutôt les albums de Michel Sardou que ceux de Coltrane ou de Miles. 

J’ai eu la chance d’avoir comme ami le saxophoniste Hervé Francony qui me copiait des cassettes. Nous avons 8 ans d’écart et J’étais encore collégien lorsque lui avait déjà les moyens de s’acheter des disques. 

Thierry Cazenave (chef du big band junior) me faisait découvrir «  les singers unlimitted », « Manhattan transfer » ou Supertramp. 

 Je connais dans les moindres détails la vingtaine d’albums auxquels j’ai eu accès avant de monter à Paris. 

De ce socle, je dirais avoir eu comme influence principale (comme trompettiste) : Pierre Drevet puis Wynton Marsalis, puis seulement après Miles Davis, Freddie Hubard et les autres. Je ne me suis jamais limité à imiter seulement des trompettistes, j’ai relevé aussi Michael Brecker, Kenny Garret, Kenny Kirkland, Cannonball Adderley, John Coltrane, Stefano D. J’allais dire, en principe « comme tout le monde » … 

J’ai donc eu une période très classique et très jazz rock /funk/électro (j’ai joué dans un des premiers groupes électro Français « NOJAZZ », ou Paco Sery groupe). 

Puis j’ai rencontré Daniel Humair (2009), Michel Portal et Dave Liebman, et avec Emil Spanyi et Laurent Vernerey nous avons formé un ensemble que j’ai adoré, ouvert, mais avec de l’écriture, à la fois le côté libre et « free », mais avec tout le background de l’histoire du jazz. 

Niveau écriture, j’ai toujours adoré le format big band. Le lien affectif est évident, jeune adolescent j’attendais comme le Messie la répétition du samedi, je n’en ai raté aucune en 7 ans. Au-delà de la musique c’est aussi l’aventure humaine qui m’a toujours également plu. 

J’adore aussi les orchestres à cordes, les orchestres symphoniques en particulier et la musique française du vingtième. 

DJ : Comment es-tu venu à l’écriture et à l’arrangement ? 

NF : Dans le big band junior dont je vous parlais, j’ai eu assez vite envie de composer. De façon très instinctive au départ, et honnêtement pas très réussie. J’écrivais mon arrangement la première semaine, je recopiais les partitions la seconde, le tout entre deux cours au collège. A la répétition, le chef, Thierry Cazenave m’accordait gentiment 20 minutes pour essayer ce que j’apportais, et je voyais qu’il respectait mon travail et il prenait toujours le temps nécessaire pour lire mes conducteurs et me faire des commentaires toujours très constructifs. Il était très doué, chanteur, chef d’orchestre, arrangeur, pianiste, batteur.  

Il n’était pas obligé du tout je le précise ! 

Les copains pour certains jouaient le jeu, mais certains tiraient franchement la gueule. C’était donc assez stressant mais cette urgence et cette hostilité partielle m’ont forcé à tirer toute la sève de la moindre expérience que je proposais. 

J’ai ensuite étudié avec Pierre Drevet l’arrangement pendant un an et je suis entré au CNSM et j’ai étudié avec François Théberge.

DJ : Quel est l’arrangement le projet d’écriture dont tu es le plus fier ?  

NF : J’hésite entre la « Buleria » que j’ai écrite en 2001 pour le disque du Paris Jazz big band « Mediterranéo » et « Huyana » que j’ai écrite en 2012 pour le disque du Paris Jazz big band « Source(s)». 

La Buleria est écrite avec toutes les »clés » traditionnelles du flamenco avec Louis Winsberg en soliste à la guitare.  

« Huyana » est basé sur une clave en 15 temps traditionnelle de Bolivie que m’a montrée Minino Garay. Il y joue des « bata cajon ». J’ai écrit le thème dans l’esprit d’une mélodie traditionnelle avec développement. 

DJ : Quel est l’arrangement qui n’est pas de toi mais dont tu aurais aimé être l’auteur ?

NF : « La valse des lilas » de Michel Legrand arrangée par Gil Evans dans le disque « Quiet Nights ». Lorsque j’ai rencontré Michel ça a d’ailleurs été notre premier sujet de conversation. 

Une véritable magie s’opère dans cette version, beaucoup de points de montage si on y prête attention.  

DJ : Comment en es-tu venu à la pédagogie et quels sont tes concepts en la matière ?

NF : Effectivement, je suis entré en 1993 au CNSM dans la classe de François Janneau. François Théberge a été recruté peu après et j’ai surtout travaillé avec lui. Ses cours sont très structurés avec des objectifs précis et clairs.

Il était exigeant et très attachant à la fois, je garde un excellent souvenir de ces années. 

J’ai organisé le cursus d’écriture à Toulon sous la forme de 3 niveaux d’harmonie avec le trompettiste José Caparros au conservatoire de Toulon lorsque j’ai recruté pour créer le département jazz en 2004.

Une fois l’UE-UV d’harmonie obtenu, les élèves ont accès au cours d’arrangement qui se déroule sur 2 années.

L’examen d’harmonie valide l’autonomie des élèves dans leur pratique du jazz, ils savent « se débrouiller », analyser une grille de façon fonctionnelle, déterminer les modes associés aux accords (issus des gamme majeures et mineures et modes à transposition limitée), réaliser à 4 voix + la basse une grille d’accords avec conduite des voix, écrire une mélodie sur une suite d’accords donnée, harmoniser une mélodie donnée. Le tout avec une exécution « fluide » et assez rapide qui garantit leur autonomie, leur mise en application effective et la possibilité de suivre un cours d’arrangement pour ceux qui le souhaitent.

Je ne sépare pas l’harmonie tonale et modale sous forme de cycle annuel compte tenu de l’objectif final et des profils des élèves.

L’arrangement en première année se concentre sur l’études de différentes formes classiques existantes, et à la rédaction d’un sketche de leur arrangement.

Nous abordons également l’organologie des instruments que nous allons utiliser dans nos travaux. (Saxophones, trompettes, trombone, piano, contrebasse, basse, batterie).

J’utilise la méthode de Bill Dobbins « jazz arranging and composing linear approach » pour étudier l’harmonisation de mélodie à 2, 3 et 4 voix.

Je commence souvent par 4 voix, en prolongation de ce qu’ils ont abordé en harmonie.

Je demande aux élèves d’écrire un maximum pour les ateliers, ce qui dépend de la motivation en fonction des années. Je constate une baisse de passion depuis 2010, même s’il reste toujours une poignée d’élèves très investis qui attrapent le « virus ».

Certains ne réalisent pas la chance qu’ils ont d’être joués.

Je leur demande un projet à rendre par trimestre que nous enregistrons de sorte qu’il y ait une application concrète des éléments abordés.

La deuxième année est consacrée à l’harmonisation à 5 voix et à l’étude du big band.

Là aussi, je leur demande l’écriture d’un projet par trimestre pour big band, les années où il n’y a pas eu de big band complet, je leur demandais l’écriture de projet pour la plus grande formation existante. C’est parfois moins évident à faire sonner et mon travail consiste à les assister lors de la réalisation de ces projets.

Ma pédagogie se résume à la transmission d’informations mise en application dans la réalisation immédiate de projets artistiques dans lesquels j’assiste mes élèves.

Nicolas Folmer

DJ : Quels sont tes projets ?

NF : J’ai enregistré plusieurs compositions pour big band à vocation pédagogique avec 2 rythmiques différentes : batterie, Stéphane Huchard, André Ceccarelli, basse : Philippe, contrebasse : Jérémy Bruyère, piano: Emil Spany, Laurent Coulondre.

Nous enregistrons les parties de soufflants avec Lucas Saint Cricq (alto/baryton), Stéphane Guillaumes (sax ténor) et Robinson Khoury (trombone, trombone basse).

Je souhaite sortir une collection d’œuvres classées par niveau. Il y a peu de matériel de musique actuelle classé par niveau, pour grand ensemble. Je travaille sur une application qui permet de travailler ces œuvres de façon ludique et pédagogique.

Par ailleurs, je prépare un projet avec l’orchestre de l’opéra de Toulon et une section rythmique mais c’est pour un peu plus tard. J’ai aussi été sollicité pour m’occuper d’un club à Toulon dans lequel il y a un concert tous les samedis. C’est aussi intense que passionnant.  

 DJ : Merci Nicolas ! Bonne chance pour tous ces projets, et nous avons hâte de t’accueillir en octobre pour ce stage/atelier de 2 jours à Angers !

Site de Nicolas

Orchestration : Les sourdines

La sourdine : un accessoire indispensable pour l’orchestrateur

La sourdine doit être considérée par l’orchestrateur, comme un élément ou plutôt un « colorant » très important. Bien utilisées, les nombreuses variétés de sourdines multiplient le nombre de possibilités de mariages sonores au sein de l’orchestre. Mariés à un saxophone ou à une flûte par exemple, une trompette ou un trombone équipés d’une sourdine, vont permettre de simuler d’autres instruments (ceux que l’on a rarement dans les orchestres de jazz, comme le hautbois, le basson ou le violon, le violoncelle). Voir l’article sur l’orchestration.

L’utilisation des sourdines semble s’être un peu perdue chez les arrangeurs de la nouvelle génération… Manque de connaissance ? Les sonorités leurs semblent-elles désuètes et datées, faisant trop référence à la « swing era » ? 

Pourtant, de grands « maîtres » actuels de l’écriture jazz les utilisent avec brio, mais encore faut-il bien connaître leurs spécificités et avoir leurs différents sons dans l’oreille …

Les sourdines sont utilisées en Jazz pour la trompette et le trombone (il en existe aussi pour tubas et saxhorns).

L’effet musical produit est double. Il consiste à modifier le son, mais également son intensité, ou volume sonore. Ces deux effets sont indissociables, agir sur le timbre revenant à agir sur le volume sonore. Il en est de même lorsque l’on passe d’un jeu d’intensité fort, à un pianissimo : voulant modifier le volume, on modifie aussi le timbre.

L’utilisation des sourdines étend donc la gamme de sonorités et de possibilités expressives de l’instrument.

Les sourdines ne doivent pas, en principe, modifier la justesse et la réponse de l’instrument. Cependant, dans la grande variété de modèles, il en existe certaines, qui par leur forme, volume, fermeture du pavillon ou leur matériau, perturbent partiellement (sur une note, un registre ou plus) la justesse et la réponse de l’instrument.

Petit rappel historique

L’utilisation de la sourdine (pour la trompette) remonte au début du XVIIème siècle. Martin Mersenne dans son harmonie universelle de 1636, en donne la description : « la sourdine est ordinairement faite d’un morceau de bois que l’on met dans le pavillon de la trompette, afin qu’elle la bouche tellement qu’elle en diminue et en assourdisse le son ».

Si Mersenne ne mentionne pas l’effet sur la justesse de l’instrument d’une telle sourdine, on trouve cependant dans la littérature musicale de l’époque des avertissements sur les précautions à prendre lors de son emploi. Monteverdi dans la toccata qui précède le prologue de son opéra « Orphéo » (1607) précise que : « si l’on désire que les trompettes jouent avec sourdines, la toccata devra être jouée un ton plus haut »

Ce n’est que bien plus tard, dans les partitions de Mozart, que l’on retrouve l’utilisation de la sourdine pour les trompettes.

Debussy et Wagner ont souvent fait usage de la coloration sonore bien particulière du cor et de la trompette avec sourdine. Après eux, l’utilisation de la sourdine pour le trombone et le tuba s’est répandue : Don Quichotte de Richard Strauss, le Mandarin merveilleux de Bartok ou Petrouchka de Stravinski en sont quelques exemples. Au début du XXème siècle, l’école de Vienne (Webern en tête) fait grand usage des cuivres en sourdine.

A partir des années vingt, le développement du Jazz a donné un nouvel élan à la recherche de nouveaux timbres. Ainsi la trompette et le trombone ont été le terrain de multiples essais de modification du timbre avec des objets de toutes sortes.

Les principaux modèles de sourdines utilisées en jazz aujourd’hui 

Straight mute

La sourdine sèche « Straight mute » ou « Carotte », est la plus utilisée dans tous les genres de musique. En musique classique, si le type de sourdine n’est pas mentionné, c’est celle qu’on doit utiliser. On en trouve en métal, en fibres ou en plastique, de forme droite ou évasée.

straight mute
Pixie – Straight mute

Le son varie énormément d’un modèle à l’autre et dans les grandes formations de jazz ou de variétés, on impose souvent un modèle unique à tout le pupitre de trompettes. Il faut souvent ajuster l’épaisseur des cales en liège avec du papier de verre de façon à obtenir le meilleur compromis entre son et justesse. La sourdine « Pixie » est plus oblongue et dépasse à peine du pavillon, pour être jouée avec un Plunger.

Straight mute. Bois, carton
Straight mute. Métal
Pixie avec Plunger

Wa-wah – Harmon

La sourdine « Wa-wah » offre une variété de sons selon la position du tube coulissant.

harmon mute
Wa-Wah – Harmon mute

Enfoncé, c’est la « Wa-wah » classique (noté « Wa-wah » sur la partition). On la fait « parler » en déplaçant la main devant l’orifice du tube (de la voyelle u-oo à la voyelle a-aa, d’où le nom de « Wa-wah »).

Wa wah avec le tube et la main

Tiré (noté « fully extended » sur la partition), c’est le son est plus fermé.

Enlevé « without tube » (noté « Harmon » sur la partition), la sourdine devient une « Harmon mute », popularisée entre autres, par Harry « Sweet » Edison & Miles Davis. 

Harmon mute (Wa-wah sans le tube)
Harry Edison « Sweet Lorraine » Harmon mute
Miles Davis « On A Green Dolphin Street » Harmon mute
Count Basie « Duet » Wah Wa

Cette sourdine s’utilise quelque fois en orchestre classique, par exemple dans le solo de « Rhapsody in Blue » de George Gershwin, et les compositeurs contemporains en font un usage fréquent. 

Wa-wah « Rapsody in Blue »
Gil Evans « Davenport Blues » Harmon mute à 1’50 »

Cup mute

La sourdine Bol « Cup mute » produit un son particulièrement doux. La fixation du bol doit permettre de régler la distance du bord du bol au pavillon de la trompette, qui doit être d’environ un centimètre. Souvent, cette sourdine est prévue pour être aussi utilisée comme sourdine sèche en enlevant le bol, mais la qualité (justesse et sonorité) est généralement inférieure à celle d’une vraie sourdine sèche. 

cup mute
Bol ou Cup mute
Cup mute en carton
Cup mute en métal
Count Basie « Jive At Five » Cup mute

Robinson

La sourdine « Robinson » est une variante avec du coton dans le bol pour adoucir encore plus le son. Elle n’est plus fabriquée mais on peut en faire une soi-même.


Plunger

La sourdine « Plunger », utilisé dans le jazz New-Orleans et dixieland, était à l’origine une ventouse en caoutchouc de plombier destinée à déboucher les éviers. 

plunger
Plunger mute – Tuxedo Plunger – Hat
Plunger en caoutchouc

On la déplace en jouant pour alterner les sons ouverts (notés « o » sur la partition) et bouchés (notés « + » sur la partition). Lorsque l’on fait un mouvement rapide de « fermé » à « ouvert » on note : « wa » sur la partition. 

Glenn Miller « Tuxedo Junction » Plunger
Duke Ellington « Tuxedo Junction » Plunger
Quincy Jones « Tuxedo Junction » Plunger et Straight

On utilise aussi quelquefois le Plunger associé à la sourdine sèche (« Pixie » plus courte) pour des effets « jungle » à la Bubber Miley (cornettiste de l’orchestre de Duke Ellington dans les années 20).

Bubber Miley « The Mooche » Plunger avec Straight mute

Dans les grands orchestres de danse des années 30 et 40, on utilisait le « Tuxedo Plunger », identique au plunger mais fabriqué en carton, et aussi la « Derby mute », sorte de chapeau melon en aluminium quelques fois garni de matériau absorbant, que toute la section de trompettes faisait aller et venir devant le pavillon dans un geste ample et synchronisé, très spectaculaire.


Bucket – Velvet

La « Bucket mute » et la « Velvet mute » s’utilisent en big band pour atténuer la brillance du son de la trompette (résultant de l’utilisation d’embouchures très relevées à queue étroite) pour certains passages musicaux, ou comme alternative au bugle.

bucket mute
Bucket mute – Velvet mute

Ces deux sourdines sont formées d’un récipient cylindrique contenant du coton ou une autre fibre absorbante, qui se place devant le pavillon et amortit les harmoniques aiguës. La « Bucket » modifie plus le son que la « Velvet » car elle se fixe dans le pavillon comme une sourdine sèche, réduisant sa section efficace, tandis que la « Velvet », accrochée par trois clips au bord du pavillon, n’a pas d’effet sur les graves de la trompette.

Bucket-Velvet mute

A noter que l’on peut simuler le son de la velvet en jouant le pavillon dans le pupitre, noté : « in stand » sur la partition, ou, comme dans les big bands des années 40, dans un chapeau en carton posé sur un stand à côté de l’instrumentiste (« in hat »).

Il existe aussi des « Bérets » en feutrine (plutôt pour les trombones), beaucoup moins encombrant qu’une « Velvet » et assez efficaces…


Solotone – Cleartone

La sourdine « Solotone » ou « Cleartone » est une sorte d’hybride entre la sourdine Sèche et la sourdine Harmon. Cette sourdine était souvent utilisée dans les orchestres swing des années 1930-1940 et on trouve encore des arrangements qui la demandent. Le son est voisin de celui d’une Wa-wah ouverte (sans mettre la main devant).

solotone mute
Solotone ou Cleartone mute
Solotone-Cleartone mute

Juste pour le fun : il existe un système de sourdine incorporée à l’instrument du cornet « à écho » dans lequel un quatrième piston dévie la colonne d’air vers un second pavillon de forme quasi fermée. Ce dispositif ingénieux permet de passer instantanément du son ouvert au son bouché. On a même construit des trompettes à écho sur le même principe. 

cornet à écho
Cornet à « écho »

Les sourdines altèrent la justesse de l’instrument (quel que soit le modèle de la sourdine) le diapason monte plus ou moins selon le modèle, il est donc important de se ré- accorder. Cet aléa est donc à prendre en compte pour l’arrangeur, notamment, il doit laisser du temps à l’instrumentiste pour mettre ou enlever sa sourdine et s’accorder entre un passage joué « ouvert » et un passage joué avec sourdine. Lorsque l’on souhaite que l’instrumentiste enlève sa sourdine, on note « open » sur la partition.

Globalement de nos jours, vous pouvez utiliser sans problème dans vos orchestrations : Straight, Cup, Harmon (pour les trompettes). Straight et Cup (pour les trombones). Tout instrumentiste « professionnel » se doit d’avoir ces sourdines dans sa boite. Il arrive que certaines formations investissent dans un jeu complet de sourdines d’orchestre. C’est encore mieux ! Car tout le monde joue alors avec le même modèle, ce qui favorise considérablement l’homogénéité du son des sections.

Set « indispensable « 
sourdines jazz

Merci à Michel Bonnet pour son aide précieuse et les petits extraits en solo …

Les génies décisifs : Miles Davis

Pascal Anquetil

Le blog est heureux et fier de pouvoir publier les merveilleux textes d’une des plus belles plumes du jazz : Pascal Anquetil

Ces 8 premiers textes sont extraits de la publication » Portraits légendaires du jazz » (éditions Tana).

Miles DAVIS : Le Picasso du jazz moderne

Miles Davis :

25 mai 1926, Alton (Illinois) – 28 septembre 1991, Santa Monica (Californie)

« Il faut que je change tout le temps. C’est comme une malédiction. » Et d’ajouter, faussement modeste, mais sûr de son génie : « J’ai juste infléchi le cours de la musique cinq ou six fois. Je crois que cela doit être cela. ». Et c’est vrai. Comme Picasso, il a traversé  toutes ses « périodes » en chamboulant à chaque fois le paysage du jazz. Le jazz ? C’était pour lui un mot-ghetto qu’il a toujours refusé de prononcer. Et pourtant ! Son extraordinaire aptitude à saisir l’air du temps, son don d’anticipation pour accompagner, voire précéder les mutations esthétiques offrent un énorme contraste avec son attachement profond aux sources mêmes de la musique afro-américaine. À savoir, le blues, d’abord et toujours.  «Le son noir de la musique » comme l’a toujours affirmé Miles. Ce « quelque chose de bleu qui paraissait une aile » comme l’a écrit Victor Hugo.

Cet éclaireur inquiet, quelque peu arrogant, constamment à l’affût des innovations, n’a jamais été pourtant un révolutionnaire. Le « Prince of Darkness » a eu le seul et exceptionnel génie de prendre la tête des révolutions qui se faisaient contre lui ou sans lui. En suivant toujours son idée, irréductible et intransigeante, de la musique. «  Quand je ne suis pas sur scène en train de jouer, le seul espace où je sois vraiment moi-même, je pense à la musique. Tout le temps. Je fais et je joue dans ma tête la musique que chaque jour exige. »

Miles Davis
Miles Davis

Cela se vérifie à chaque « période » de son parcours accidenté, mais toujours fidèle à ses convictions intérieures. Au départ, il est ce jeune bopper qui donne ses premiers coups d’ailes aux côtés du Bird en personne. D’emblée, il impose sa griffe, un son lisse, sans vibrato, venu d’ailleurs. « Une sonorité de dominicain : un gars qui reste dans le siècle, mais qui regarde ça avec sérénité », comme l’écrira Boris Vian, très tôt dans Jazz Hot, avec sa perspicacité habituelle. Rompant avec la fièvre du bebop, avec Gerry Mulligan, il signe l’acte de naissance du cool jazz. Rarement un orchestre aussi légendaire que celui de « Birth of the Cool » n’aura connu destin aussi éphémère. Et poutant, loin de la sophistication furieuse du jazz parkerien, il ouvre les voies d’une autre modernité. Un jazz de brume en opposition à un jazz de braise, un nuage de musique vaporeuse aux contours bien définis.

Quand le style West Coast s’impose, il va ailleurs participer à l’explosion du hard bop naissant. Quand ce dernier triomphe, avec la complicité de Gil Evans, il prend en 1958 le tournant du jazz modal. Pour Miles, ce n’est pas une révolution de plus : « Quand on travaille de façon modale, le défi, c’est de voir à quel point on peut devenir inventif sur le plan mélodique. » Premier coup d’éclat avec « Milestones » et apothéose en 1959 avec « Kind of Blue ». A-t-on jamais atteint pareille simplicité du geste créateur associé à un pareil aboutissement ? Cette musique sans âge sonne aujourd’hui aussi neuve qu’au premier jour. Bill Evans n’est pas pour rien dans la réalisation de ce chef-d’œuvre absolu où tout n’est que perfection, ordre et beauté.

Après le départ de Bill Evans et John Coltrane, Miles mettra du temps à retrouver le groupe de ses  rêves. Il le trouve enfin en 65 avec son « second quintet ». Quinte royale pour un jeu à haut risque. Avec Herbie Hancock, Wayne Shorter, Ron Carter et Tony Williams. Moyenne d’âge : 20 ans. Bousculé par de tels aiguillons, Miles peut s’aventurer dans la musique la plus libre. Mais quand la révolution free l’attaque de plein fouet, il choisit le contre-pied : fusionner, avant tout le monde, l’électricité et le jazz modal. Dans la fournaise du jazz rock, il finira par se brûler les ailes, le condamnant à s’éclipser au beau milieu des années 70. Mais,tel le phénix, il renaîtra à l’aube des années 80 pour s’imposer comme l’unique « star du jazz » que le jazz ait connu.

Comme le peintre catalan, Miles aura enchaîné ses « périodes » sans jamais se compromettre. En individualiste forcené, toujours  rapide pour dénicher les meilleurs musiciens pour le stimuler, il a réussi à réaliser, avec sa seule trompette, une synthèse éclatée, toujours recommencée mais superbement cohérente, de la musique de son temps. 

Mais, comme Orphée se retournant vers Eurydice, oubliant son farouche dédain des nostalgies, il commit la dernière année de son existence l’irréparable. À l’invitation de Quincy Jones, il accepta, pour la première fois de sa vie, de regarder en arrière et célébrer sa propre  histoire. Bref, il osa se rejouer. Par ce geste si contraire à sa nature, à 65 ans, ce musicien du souffle pur, mais au corps essoufflé, crucifié par tous ses excès, se trahissait lui-même. Il signait par la même son arrêt de mort. Ce qui ne manqua pas d’arriver en septembre 91.

Mais l’important est, bien sûr, ailleurs. Ce dandy canaille a pour l’éternité inventé un son unique. Mat, plein, rond et admirablement lustré dans le medium, déchirant et puissant dans l’aigu. Avec ou sans sourdine, on reconnaît Miles à la première note. Il aura finalement donné toute sa vérité au verbe « trompeter ». Un mot sans élégance ?  Pas sûr ! Le dictionnaire est formel : « se dit de l’aigle qui fait entendre son cri. » Le génie de Miles est d’avoir trouvé ce cri parcimonieux, elliptique, toujours lyrique. Sa grandeur, c’est d’avoir réussi à donner à sa trompette la présence sensuelle, le grain d’une voix, sans doute la plus émouvante du jazz.

Footprints. Miles Davis quintet 1967

Interview Michel Bonnet

Michel Bonnet est une figure du jazz traditionnel Français. trompettiste, arrangeur, photographe et graphiste. Docteur Jazz lui pose quelques questions, à l’occasion de la sortie d’un album de chants de Noël sur le label Frémeaux Associés.

Michel Bonnet

DJ : Bonjour Michel, peux-tu te présenter ?

MB : Je suis trompettiste, photographe et graphiste, mais ma principale activité est le métier de musicien. Je l’exerce depuis un peu plus de 40 ans. J’ai eu la chance de faire partie de merveilleuses formations comme le Big Band de Claude Bolling, les Gigolos, Pink Turtle.. Qui m’ont promené dans pas mal d’endroits du globe. Les styles que je pratique sont le jazz New Orleans, le Swing, et toutes les déclinaisons du jazz classique.

DJ : Quelles sont tes principales influences ?

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Donald Byrd

Carte N.37 du jeu de 7 familles Docteur Jazz

Donald Byrd. Découvrez 42 grands musiciens de jazz avec le jeu de 7 familles Docteurjazz.

Né à Détroit, le 9 décembre 1932, Donald Byrd étudie à l’université avant de servir dans l’US Air Force au début des années 50. Il débute à la trompette aux côtés d’Art Blakey dans les « Jazz Messengers » et côtoie les meilleurs musiciens du Bebop et du Hard bop, comme Thelonious Monk, ou John Coltrane… Il forme son premier groupe en 1958 avec Pepper Adams et Herbie Hancock. C’est au début des années 70 qu’il va s’orienter vers le jazz Fusion, son album « Black Byrd » va être un énorme succès et sera vendu à plus d’un million d’exemplaires. Le titre de cet album va d’ailleurs inspirer le nom du groupe qu’il fonde en 1973 : « The Blackbyrds ». Il terminera sa carrière en s’intéressant au Rap.

You & Music. Donald Byrd 1975

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Clifford Brown

Carte N.25 du jeu de 7 familles Docteur Jazz

Clifford Brown. Découvrez 42 grands musiciens de jazz avec le jeu de 7 familles Docteurjazz.

Né le 30 octobre 1930 à Wilmington dans le Delaware, Clifford Brown était un trompettiste original et novateur. Personnage très discret, il a pourtant joué avec les plus grands musiciens des styles Bebop et Hard bop des années 1940 et 1950, comme les trompettistes Miles Davis et Dizzy Gillespie ou le saxophoniste Charlie Parker… Il sera engagé dans l’orchestre des « Jazz messengers » d’Art Blakey. Son jeu à la fois lyrique et virtuose, influencera beaucoup de trompettistes, comme Freddy HubbardLee Morgan ou même Wynton Marsalis. Il sera victime d’un accident de voiture à l’âge de 26 ans…

Daahoud. Clifford Brown

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Don Cherry

Carte N.31 du jeu de 7 familles Docteur Jazz

Don Cherry. Découvrez 42 grands musiciens de jazz avec le jeu de 7 familles Docteurjazz.

Né le 18 novembre 1936 à Oklahoma City, Don Cherry est le trompettiste emblématique du Free jazz. Il est l’un des premiers à incorporer dans le jazz, des influences des musiques traditionnelles du Moyen-Orient, d’Inde ou d’Afrique (Il étudie notamment le Bouddhisme tibétain à l’université). Il est l’un des membres de deux groupes importants des années 70 et 80 : « Old & New Dreams » et « World Jazz Codona ». Il sera pendant une longue période, le compagnon de scène d’Ornette Coleman et Charlie Haden. Il enregistre son premier album en 1961 avec John Coltrane. Un de ses albums les plus marquants est certainement « Relativity Suite » avec le Jazz Composer’s Orchestra.

Relativity Suite 1973. Don Cherry

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Chet Baker

Carte N.19 du jeu de 7 familles Docteur Jazz.

Chet Baker. Découvrez 42 grands musiciens de jazz avec le jeu de 7 familles de Docteurjazz.

Né le 23 décembre 1929 à Yale en Oklahoma, Chet Baker est l’un des fondateurs du style Cool, ou West Coast. Sa famille s’installe en Californie en 1939, et après avoir commencé par le trombone, Chet travaille la trompette. Il est fasciné par Harry James et Lester Young. Engagé dans des orchestres militaires de 1946 à 1951, il découvre le Bebop et le jazz « savant » de Woody Herman et Stan Kenton. Charlie Parker, Dexter Gordon et Paul Desmond lui offrent ses premiers engagements. En 1952, il débute sa collaboration avec Gerry Mulligan et fonde un quartet inédit (sans piano ni guitare). Son style délicat et fragile, à la trompette comme au chant, en font une des icônes du jazz blanc des années 50.

Chet Baker aura eu toute sa vie des problèmes de drogue et il fera plusieurs séjours en prison… Il décède à Amsterdam en 1988, après être tombé de la fenêtre de sa chambre…

But Not For Me. Chet Baker

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Interview de Fabien Mary

Merveilleux trompettiste, Fabien Mary irradie la scène musicale du jazz Français et international depuis deux bonnes décennies. Je l’ai connu tout jeune, et j’ai eu le plaisir de jouer à ses côtés, notamment en l’invitant dans mon Tentet dans les années 2000. Le blog est aussi là pour donner un petit coup de projecteur sur les beaux projets, et notamment lorsqu’il s’agit d’écriture ! Fabien lance une campagne de collecte de fonds pour produire son projet en Big band (avec le magnifique « Vintage Orchestra ») dont il a signé toutes les orchestrations ! Je lui ai donc posé quelques questions…

DJ : Peux tu te présenter ?

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Interview de Dan Barrett

Incroyable musicien et arrangeur Américain, Dan Barrett, avec qui j’ai la grande chance de jouer régulièrement en Europe, a bien voulu répondre aux questions de Docteur Jazz et nous livrer une anecdote sur son métier d’arrangeur.

Voir la traduction en Français

DJ- Dan, please give us a presentation.

DB- I was born near Los Angeles, in Pasadena, California 14 Dec 1955. I grew up one hour south of Pasadena, in Costa Mesa, California, where I now live with my wife Laura. We have one son, Andrew, who is an accomplished ragtime pianist and authority on piano music of that era.

Neither of my parents were professional musicians. However, they both loved music. We had an old upright piano, and my mother would often play waltzes and ‘30s popular songs; usually in the key of C. My father would sometimes join her, standing by the piano and singing in a musical baritone voice. He would often come home from work and play records; mostly music from the great Broadway shows. One of my two older brothers played guitar. Ten years older than me, my brother Mark was in high school when “surf rock” was popular. (“Surf Rock” is a blues-based style of early rock and roll, which started near the beaches up and down the coast of southern California.) Mark played credible surf rock-styled guitar, and showed me the three basic chords of “the blues.”

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Dizzy Gillespie

Carte N.13 du jeu de 7 familles Docteur Jazz

Dizzy Gillespie. Découvrez 42 grands musiciens de jazz avec le jeu de 7 familles Docteurjazz.

Né le 21 octobre 1917 en Caroline du sud, Dizzy Gillespie (John Birks de son vrai nom), débute le piano à l’âge de 4 ans, son père lui enseigne les bases de la musique. Il décide de devenir trompettiste en entendant Roy Eldridge à la radio. Jeune musicien, il jouera dans plusieurs formations à New York : Chick Webb, Cab Calloway, Chu Berry, puis Duke Ellington. Mais son style devient bientôt très original, et au contact des jeunes musiciens de la 52ième rue, il va finir par créer avec quelques autres (Charlie Parker, Thelonious Monk…), un nouveau style de jazz qui tranche avec le swing de l’époque, entraînant dans son sillage des musiciens comme Miles Davis ou Max Roach.

A la fin des années 40, il préfigure ce que sera le jazz Afro-Cubain. Avec son Big band, il enregistre en 1947 sa célèbre composition « Manteca ». Reconnaissable entre tous, avec son style acrobatique, ses joues gonflées et sa trompette coudée, musicien enjoué et blagueur, Dizzy se présentera même aux élections présidentielles en 1964 !

Salt Peanuts. Dizzy Gillespie

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Louis Armstrong

Carte n°1 du jeu de 7 familles jazz

Louis Armstrong

Né le 4 août 1901 à la Nouvelle-Orléans, le trompettiste et chanteur Louis Armstrong est l’une des figures les plus marquantes de la musique de jazz, dont il est sans nul doute l’un des créateurs. Il popularisera également une technique d’improvisation vocale appelée « Scat » (chanter sans paroles, avec des onomatopées). Durant un placement en maison de correction à l’âge de 12 ans, Louis apprend seul à jouer du cornet. Il est très doué, et à sa sortie en 1914, il sera vite engagé dans de nombreux orchestres à la Nouvelle-Orléans, notamment celui de King Oliver.

Ses orchestres les plus célèbres sont le « Hot Five », et le « Hot Seven » à Chicago dans les années 1920, et le « All Stars » dans les années 1950. Louis jouait toujours avec un mouchoir à la main, pour s’essuyer les lèvres, que sa mauvaise position de jeu avait déformées, d’où le surnom de « Satchmo » (abréviation de « Satchel mouth » : bouche en sacoche) qui le suivit pendant toute sa carrière.

West End Blues. Louis Armstrong 1928

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Roy Eldridge

Carte n°7 du jeu de 7 familles Docteur Jazz
Roy Eldridge

Né le 30 janvier 1911 à Pittsburgh, le trompettiste Roy Eldridge est un musicien important de la période swing des années 1930/1940. Il débute à la batterie, puis se tourne rapidement vers la trompette. Sa carrière se lance réellement lorsqu’il s’installe à New York en 1930. Il y joue notamment avec Fletcher HendersonBillie HolidayGene KrupaArtie Shaw

Il affectionne les grands orchestres, mais c’est dans les tournées du J.A.T.P (Jazz at the philarmonic) qu’il va révéler tout son talent d’improvisateur. Son style est très coloré, inventif, expressif et parfois acrobatique ! Il a influencé nombre de trompettistes de la génération suivante, dont Dizzy Gillespie, qui dit de lui qu’il est le lien essentiel entre la tradition et la modernité.


After You’ve Gone. Roy Eldridge

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