MILES DAVIS et JOHN COLTRANE : Histoire d’une rencontre tumultueuse 

L’histoire du jazz est riche d’histoires de rencontres décisives qui ont changé son cours. De ces réunions improbables entre deux fortes personnalités finalement condamnées, un jour ou l’autre, à se croiser et dialoguer pour inventer ensemble un nouvel horizon. A preuve, les rencontres entre Louis Armstrong et Earl Hines, Django Reinhardt et Stéphane Grappelli, Dizzy Gillespie et Charlie Parker, Charles Mingus et Eric Dolphy, etc. L’histoire de la rencontre musicale qui rapprocha pendant plus de cinq années, de 1955 à 1960, les destins de deux géants du jazz moderne, est l’objet d’un coffret magique : « Miles Davis with John Coltrane : The Complete Columbia Recordings ». 

Miles Davis John Coltrane
Miles – Coltrane

Retour sur une aventure aussi passionnée que tumultueuse qui bouleversa le langage et le paysage du jazz : 

En cette fin de l’année 55, Miles Davis est un homme heureux. L’année précédente, après moult tentatives infructueuses, il a enfin réussi à décrocher de la drogue et à devenir « clean ». En juillet, invité surprise du premier festival de Newport, il connaît un triomphe inespéré en jouant « Round Midnight » aux côtés de Thelonious Monk. A peine sortie de scène, le producteur George Avakian lui tombe dessus pour lui demander de signer un contrat d’exclusivité avec le prestigieux label Columbia. A l’époque, Miles était sous contrat chez Prestige jusqu’en 1956. Il trouvera vite avec Avakian une parade astucieuse : il enregistrera très vite les quatre disques qu’il doit à Bob Weinstock, le patron de Prestige, mais aussi, en cachette, pour Columbia, dès octobre 55, des bandes qui ne sortiront finalement qu’en 1957. Ce sera l’album « Round about Midnight » qui connaîtra tout de suite un formidable succès public.

A l’automne 55, Miles Davis a constitué un tout nouveau quintette composé de Philly Joe Jones à la batterie, Paul Chambers à la contrebasse, Red Garland au piano et de John Coltrane au sax. « Ce groupe est vite entré dans la légende, dira Miles dans son autobiographie, et m’a permis d’exister enfin sur la carte du monde musical ». Nés tous les deux en 1926, Miles et Trane n’avaient en fait que quatre mois de différence. Mais, au niveau de la notoriété et de la maturité, la différence était beaucoup plus importante. Le jour et la nuit. Alors que Miles pouvait se vanter d’être déjà une « vedette » du jazz, d’avoir joué tout jeune aux côtés de Charlie Parker et participé activement à la naissance du cool, le saxophoniste n’était encore qu’un illustre inconnu. A preuve, on ne connaît quasiment pas de solos de Coltrane avant sa venue chez Miles si ce n’est de courtes interventions à l’alto dans l’orchestre de Johnny Hodges ou dans le sextette de Dizzy Gillespie. C’est donc bien Miles qui le premier sortit « Trane » de l’anonymat pour le propulser sur le devant de la scène.

Budo. Miles Davis quintet

Entre eux naquit tout de suite une amitié durable, une complicité musicale rare et profonde. « J’adorais John, confesse-t-il. C’était un type très spirituel. ». Pourtant leur personnalité était pour le moins contrastée. Miles jouait au dandy surdoué qui ne donnait jamais l’impression d’avoir à travailler son instrument et qui, dès qu’il avait fini de jouer, ne s’intéressait au sortir d’un concert ou d’un club qu’à la jolie fille avec qui il passerait la nuit. Coltrane était tout le contraire. La musique était toute sa vie. C’était un obsédé du sax qui travaillait son instrument jour et nuit, comme un forcené. Il appelait Miles « professor », ce qui avait le don d’agacer le trompettiste, et n’arrêtait pas de le harceler « de putains de questions sur ce qu’il devait jouer ou ne pas jouer ».

Miles Davis John Coltrane
Miles – Coltrane

Le principal problème de ce quintette de rêve, c’est qu’à l’exception de Miles, les quatre autres musiciens étaient tous gravement accros à l’héro. Miles souffrait particulièrement de voir « Trane » conspirer avec autant d’obstination contre lui-même et s’auto-détruire en buvant des quantités d’alcool et prenant des doses de drogue vraiment hallucinantes. « Il était comme Bird. Quand on est un génie de ce calibre, on voit et vit les choses à l’échelle supérieure, c’est à dire à l’excès. On devient une espèce de monstre ». Excédé par ses abus, plusieurs fois Miles vira Coltrane de l’orchestre. « Un soir à New-York, j’étais tellement en rogne de le voir aussi abruti par la dope que je l’ai boxé dans les loges. Coltrane n’a même pas réagi. Seul Monk qui assistait à cette pénible scène lança à John : « Tu ne vas pas accepter de te faire maltraiter de la sorte. Quitte ce mec et viens jouer avec moi ». Traumatisé d’être une nouvelle fois renvoyé de l’orchestre, Coltrane prit enfin, au printemps 57, la décision de faire « cold turkey », c’est à dire un sevrage de drogue radical et définitif en s’enfermant dans une chambre solitaire pendant plus d’une semaine. 

Cette épreuve fut pour Coltrane, qui se sentit soudainement « investi d’une mission musicale », une vraie Rédemption : « J’ai fait alors l’expérience d’un réveil spirituel qui m’a conduit à une vie plus pleine, riche et créative. » Après avoir joué dès juillet 57 plusieurs semaines avec Monk au Five Spot pour y expérimenter une nouvelle liberté dans sa façon de jouer et enregistré « Blue Train » pour Blue Note, John réintègre en décembre 57 l’orchestre de Miles qui devient alors sextette avec l’arrivée de Cannonball Adderley à l’alto. Bientôt Bill Evans remplacera Red Garland. C’est ainsi qu’au printemps 59, Miles et ses complices enregistrent en deux séances « Kind of Blue », le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre, un pur joyau du jazz moderne qui semble aujourd’hui aussi neuf et parfait qu’au premier jour. 

C’est dans cet album (le tout premier 33 tours que j’ai jamais acheté chez le disquaire Raoul Vidal, place Saint Germain-des-Prés – j’avais 15 ans !! – dans sa splendide version Fontana publiée par Boris Vian !!!!) que se joue, sur la durée, le tournant du jazz modal déjà expérimenté dans « Milestones » au printemps 58. C’est aussi dans ce disque phare que l’on trouve « So What », « le solo de trompette le plus lyrique du XXe siècle, la première improvisation modale consciente d’elle-même » selon George Russell. John Coltrane s’en souviendra lorsqu’il enregistrera peu après « Impressions ».

Après une ultime tournée en Europe pendant l’été 1960 au cours de laquelle il se fera copieusement huer à l’Olympia, le saxophoniste quittera définitivement l’orchestre pour voler de ses propres ailes, créer son propre quartet et éclabousser de tout son génie la décennie à venir. Mais cela est une autre histoire…

Dear Old Stockholm. Miles Davis quintet

Pascal Anquetil 

Miles Davis with John Coltrane : « The Complete Columbia Recordings », un coffret Sony de 6 CD, dont 18 prises inédites, accompagné d’un livret de 116 pages avec de nombreuses photographies.

Les génies décisifs : Charlie Parker

Pascal Anquetil

Le blog est heureux et fier de pouvoir publier les merveilleux textes d’une des plus belles plumes du jazz : Pascal Anquetil

Ces 8 premiers textes sont extraits de la publication » Portraits légendaires du jazz » (éditions Tana).

CHARLIE PARKER : L’Oiseau du feu du Bebop

Charlie Parker : 29 août 1920 à Kansas City – 12 mars 1955 à New York 

« Bird lives ». Tel est le graffiti qui fleurit sur les murs de New York en mars 1959 dans les jours qui suivirent la mort de Charlie Parker. Intuition prophétique pour affirmer que sa musique continuerait longtemps à incendier, bouleverser, fasciner, terroriser, paniquer, inspirer les générations à venir. Plus de 50 ans après sa disparition, sans aucun doute, « Bird lives ». En osant tous les débordements, en usant de tous les excès, Parker a réussi à gagner aujourd’hui une jeunesse éternelle, universelle. 

Son surnom de Bird  n’est pas, comme on pourrait le croire, une métaphore ornithologique heureuse, inventée après coup pour caractériser la dimension  aérienne de son jeu. Plus prosaïquement, il vient du jargon militaire. Quand Charlie était à l’armée, on l’appelait « yardbird », le « bleu », le  bidasse condamné aux travaux obligés de balayage de la caserne. Le génie de Parker, c’est d’avoir su retourner ce sobriquet humiliant en titre de noblesse ; mieux, le transformer en ligne de vie : cet autodidacte et infatigable travailleur, ce clochard pas toujours céleste deviendra cet oiseau capricieux et imprévisible qui repoussera avec une déraison rieuse tout le champs des possibles pour réinventer l’avenir du jazz, bien au-delà du seul be-bop. Que les choses soient claires : Charlie Parker est le plus fulgurant improvisateur de l’histoire du jazz, Improviser, c’est pour lui explorer, exploiter et trouver, dans l’espace d’un seul instant, du neuf et de l’inouï en un geste radical, toujours recommencé de création spontanée. 

Charlie Parker
Charlie Parker

Mais en quoi Parker est-il vraiment unique et innovateur ? Par un souffle magique et tragique, un sens du blues immense et inconsolable. Mais aussi par l’acidité du son d’alto que l’on reconnaît à sa première note, sonorité débordante d’énergie, coupante comme du silex sur les tempos ultra rapides. Par la diversité prodigieuse de ses accentuations, par la précision de son placement de notes à l’intérieur d’une mesure, dans le déploiement d’une pensée mélodique en mouvement perpétuel. Par la rigueur de son phrasé qui, même saturé de notes, s’exprime en toute limpidité.

Il faut ne pas hésiter à le répéter : Bird est génial partout et tout le temps, quels que soient ses partenaires et environnements. Il ouvre le jazz à la polytonalité et libère l’improvisation en génie de la paraphrase. En avance sur les conceptions harmoniques et rythmiques de son époque, il  s’affirme à jamais par l’urgence vitale et la puissance expressive de son cri. « Le chant du rossignol en sang », selon la belle formule de Marc-Edouard Nabe. Conscient de son génie, mais de plus en plus amer de ne pas être vraiment compris, il conspirera très tôt contre lui-même avec beaucoup d’acharnement et choisira en toute lucidité suicidaire de brûler ses ailes de géant. Le monde n’était pas assez large pour recevoir son trop plein d’énergie créatrice.

Tout ce qu’il joua, à partir de 22 ans, quand il quitta Kansas City pour «  monter » à New York, fut marqué par la grâce. Quand ce démiurge improvise sur un standard pour le métamorphoser aussitôt, on se demande toujours comment on aurait pu jouer ce morceau autrement. Il nous fait à chaque fois croire que ce qu’il joue est simple, alors que c’est d’une incroyable complexité. Vitesse prodigieuse et logique parfaite des enchaînement des idées, tout est déjà en place pour que jaillissent les étincelles de son inépuisable intuition. Grâce à sa propre méthode de partition intérieure, il sait et entend ce qu’il va jouer sans bouger un seul doigt.

Avec son saxophone, Parker a entretenu toute sa vie une relation très particulière, détachée de tout fétichisme. Être musicien était pour lui bien autre chose que d’être instrumentiste. Son alto, il ne cessait de l’oublier, le perdre, le mettre au clou pour s’acheter sa dose d’héroïne. Combien de fois s’est-il présenté à un concert ou à une séance d’enregistrement sans le moindre instrument. Il fallait alors en emprunter en catastrophe Et, à chaque fois, le même miracle se réalisait : le son était toujours le même.

Force de la nature, ce champion hors catégorie de l’intempérance et de l’abus  était d’une résistance physique phénoménale. Cet ogre dévora la vie avec une violence d’appétit démesurée. Mais le colosse avait des pieds d’argile. Comme l’a dit son alter ego et ami Dizzy Gillespie : « Il a été trop fragile pour durer. C’est terrible d’être un Noir dans cette société. Si vous laissez toutes pressions et oppressions vous atteindre, elles vous entraîneront à la dérive, et vous y laisserez votre peau ».

Ce qu’il fit le 12 mars 1955, en succombant à une hémorragie foudroyante, à New York, dans une suite du Stanhope Hotel où logeait la baronne Nica de Koenigswater. Le médecin, venu constater son décès, estima l’âge de Parker autour de 55 ans. Il n’avait pas encore 35 ans ! À l’instant exact de sa mort, dans un éclat de rire en regardant une émission de télévision, aux dires de Pannonica, il y eut dans le ciel de Manhattan un énorme coup de tonnerre. À l’annonce de sa disparition, tous les musiciens  avaient compris qu’une aventure s’était belle et bien terminée. Celle du bop, météore incandescent qui bouleversa totalement  le paysage du jazz. 

Confirmation. Charlie Parker

La carte du jeu de 7 familles sur Charlie Parker

Les génies décisifs : John Coltrane

Pascal Anquetil

Le blog est heureux et fier de pouvoir publier les merveilleux textes d’une des plus belles plumes du jazz : Pascal Anquetil

Ces 8 premiers textes sont extraits de la publication » Portraits légendaires du jazz » (éditions Tana).

John COLTRANE : la passion d’un géant

John Coltrane :

23 septembre 1926 à Hamlet (Caroline du Nord) – 17 juillet 1967 à l’hôpital d’Huntington (Long Island)

1960 fut pour Coltrane l’année du grand bond en avant. Lors d’un concert à l’Olympia, le 20 mars, à l’occasion de sa dernière tournée au sein du quintet de Miles Davis avec qui il venait d’enregistrer quelques mois plus tôt « Kind of Blue » et d’entrevoir les possibilités de l’improvisation modale, le saxophoniste s’illustra par de longs solos incendiaires, étirant ses phrases en coulées de lave dévastatrices. Le public qui le découvrait pour la première fois l’accueillit par une avalanche de huées et des jets de pièces de monnaie. Embarrassé, Franck Ténot, en coulisses, voulut le consoler en lui expliquant que les spectateurs parisiens, décidément trop conservateurs, n’étaient pas encore mûrs pour ses innovations. Il l’interrompit : «  Ils m’ont sifflé parce que je ne suis pas allé assez loin.. » Tout Coltrane est dans cette phrase.

Pour ce boulimique de musique, la maturation fut longue, l’apprentissage patient et forcené. Soit près d’une quinzaine d’années de travail obstiné auprès de Miles, Monk et les autres. Avant de se jeter à corps perdu dans l’autre monde qu’il pressent, il décide d’abord de dresser le bilan de toutes ses recherches sur le système harmonique du bebop. Ainsi, en avril 1960, il en tente la synthèse avec « Giant Steps ». Premier chef d’œuvre. Des générations de saxophonistes en perdront le sommeil. Coltrane aussi.

En octobre, il enregistre « My Favorite Things » à la tête du quartet qu’il désespérait de trouver et qui jusqu’en 1965 va porter le jazz à son point d’incandescence maximale. « Trane », comme on l’appelait, sait qu’il a trouvé « l’instrument » de ses rêves : avec Steve Davis, puis à partir de 1961 Jimmy Garrison, contrebasse terrienne, robuste comme un mât de voilier. Avec McCoy Tyner, tout piano déployé pour assurer l’assise harmonique du groupe et pousser à la transe avec son irrésistible rouleau compresseur d’accords hypnotiques. Avec enfin ce Vulcain d’Elvin Jones, force motrice intarissable qui pousse avec une puissance inouïe, en un tourbillon polyrythmique, le saxophoniste vers le paroxysme. Au-delà de lui-même.  « Je sens, confessera-t-il un jour, que je suis toujours obligé d’avancer et d’aller ailleurs. ». L’ère coltranienne peut commencer. Elle ne durera que sept ans. De bout en bout, la beauté y sera… Convulsive.

John Coltrane
John Coltrane

À partir de 1960, Trane ne va pas cesser de brûler les étapes pour s’y brûler finalement les ailes. Il met le jazz littéralement hors de lui. L’épreuve sera brutale et violente pour beaucoup d’amateurs. À la longue, trop de beauté, trop d’énergie, trop de souffrance ont quelque chose d’effrayant. Le miracle avec Coltrane est que le rêve ne vire jamais au cauchemar. La traversée de sa musique, encore aujourd’hui, s’éprouve comme une aventure euphorisante. On sort toujours ragaillardi de l’écoute prolongée de cette tornade fiévreuse. Épuisé, certes, mais jamais exténué, forcément heureux.

Avec les quatre nuits du Village Vanguard, son premier enregistrement live en 1961, on est saisi par sa rage d’expression et la force dionysiaque du souffle. Mais on est d’abord sidéré par la plénitude et l’amplitude du son. Sa tessiture dépasse les trois octaves ! Sonorité grandiose, douloureuse et sauvage qui savait, dans les ballades, devenir douce et puissante, voire brûlante comme le vent du désert. Les anches Rico choisies très dures n’expliquent pas tout. Surtout pas le mystère du son. «Il est avant tout magique, dira Steve Lacy, Il est d’une densité telle qu’on dirait du marbre de Carrare, si beau, si rare. ». Il est « magique » parce qu’il est propulsé à chaque seconde par une houle d’énergie inépuisable. Étrangement, c’est toujours avec un calme souverain que Trane habita cette furie lyrique en fusion.

Il y a dans sa musique une dimension mystique qui ne cessera de grandir. Quand il jouait, il semblait « possédé », comme l’écrira Miles. Il croyait que la musique pouvait guérir et arracher l’homme à sa misère humaine, trop humaine. Il savait de quoi il en retournait, lui qui avait  au milieu des années 50 vaincu tout seul l’enfer de la drogue et fui les ravages de l’alcool. « Il était comme Bird, se souvient Miles Davis. Quand on est un génie de ce calibre, on voit et on vit les choses à l’échelle supérieure, c’est à dire à l’excès. On devient une espèce de monstre. » Au fil des ans, ce « monstre » est devenu un « ange » comme aimait à le répéter Elvin Jones. 

Ce géant si doux n’a pas fait que transformer la musique de son temps. Il a bouleversé à jamais des millions de vies. À la fin, sa musique, survoltée par une tension surhumaine, n’était plus qu’un cri éperdu, entre terreur et extase. Ce forçat du ténor sacrifiera ses dernières forces à tenter d’accoucher de cette « cosmic music », embryon d’une musique sacrée universelle. L’exaspération de cette quête absolue trouvera avec « Ascension » son point culminant. Dans ses derniers albums, son chant furieusement libéré fera voler en éclats toutes les barrières, qu’elles soient harmoniques, rythmiques ou mélodiques. Pour inventer une musique incandescente qui n’aurait, enfin, plus de nom.

En larguant les amarres, Coltrane s’est fait chaman, artificier d’une musique effarée, hallucinée. Cela terrorisait sa mère: « Quand quelqu’un a vu Dieu, cela veut dire qu’il va mourir. ». Ce qui arriva en juillet 1967. Il n’avait que 41 ans. Au-delà d’une certaine ligne rouge, quand la raison s’affole définitivement, la musique peut devenir mortelle !

But Not For Me. John Coltrane quartet 1961 (Album « My Favorite Things »)

Wayne Shorter

Carte N.39 du jeu de 7 familles Docteur Jazz

Wayne Shorter. Découvrez 42 grands musiciens de jazz avec le jeu de 7 familles Docteurjazz.

Né le 25 août 1933 dans le New Jersey, Wayne Shorter est une figure très marquante du jazz Fusion. Également grand compositeur, il jouera dans des orchestres mythiques comme les « Jazz Messengers » (1959 à 1964), le quintet de Miles Davis (1964 à 1969) et sera l’un des fondateurs du célèbre groupe « Weather report » (1970 à 1985). Son quartet des années 2000 avec Brian Blade à la batterie, John Patitucci à la basse et Danilo Perez au piano est un modèle d’interaction et de musicalité. Ce quartet a enregistré « Footprints « en 2002 et « Alegria » en 2003.

Endangered Species. Wayne Shorter 1986

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Interview de Cyril Dumeaux pour « Saxtape »

Le saxophoniste Cyril Dumeaux, leader de « Saxtape », ensemble de saxophones de la région Bordelaise, nous parle de la sortie de son premier album, et de son parcours…

Cyril Dumeaux
Cyril Dumeaux

DJ : Bonjour Cyril, peux-tu te présenter :

CD : Bonjour Stan, j’ai 44 ans, je suis originaire du Lot et Garonne, je suis saxophoniste à la musique de l’Air de Paris, professeur de sax a l’EMMD de Talence à côté de Bordeaux.

Je collabore en tant que musicien avec plusieurs formations comme Electro Deluxe Big band, Big One, Nico Wayne Toussaint, Monk … 

DJ : Quelles sont tes principales influences et ton parcours ? : 

CD : Mon parcours est assez traditionnel, j’ai débuté le saxophone à l’âge de 7 ans à l’école de musique de Tonneins (47) puis après un passage au Conservatoire de Bordeaux je suis rentré dans la classe de jazz de Jacky Berrecochea dans les Landes ( Dax et Mont de Marsan), après l’obtention de mon Dem de jazz, je suis rentré en 1998 à la musique de la 3ème région aérienne atlantique à Merignac puis en 2003 à la musique de l’Air de Paris pour intégrer l’orchestre de Jazz que tu as dirigé pendant 15 ans 😉

Mes influences sont assez éclectiques, mon premier « choc « musical à 13 où 14 ans a été Led Zeppelin et particulièrement Jimmy Page le guitariste pour ses solos légendaires. Puis est venu Jimmy Hendrix, Stevie ray Vaughan. 

La terre s’est véritablement ouverte sous mes pieds lorsqu’à 17 ans, un ami m’a passé une K7 audio des Brecker’s Brothers et de l’album Heavy métal Be bop. Quoi ? Mais quoi ? On peut faire ça avec un saxophone ? 

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Ornette Coleman

Carte N.33 du jeu de 7 familles Docteur Jazz

Ornette Coleman. Découvrez 42 grands musiciens de jazz avec le jeu de 7 familles Docteurjazz.

Né le 9 mars 1930 au Texas, Ornette Coleman aura un parcours plutôt contrasté et ne fera pas l’unanimité au début de sa carrière. Il devient l’un des chefs de file du courant Free, avec un album enregistré en 1960 « Free Jazz : A Collective Improvisation », qui fait entendre en stéréo, deux quartets, sans aucune préparation ni arrangements, avec un casting époustouflant ! (Don Cherry et Freddie Hubbard à la trompette, Ornette Coleman et Eric Dolphy au saxophone, Scott LaFaro et Charlie Haden à la contrebasse, Billy Higgins et Ed Blackwell à la batterie).

On revient au concept d’improvisation collective du jazz New-Orleans, mais avec un jazz d’avant-garde, sans aucune règle…

Ramblin’. Ornette Coleman

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Interview de David Sauzay

Saxophoniste, flûtiste et pédagogue, David Sauzay est une figure du jazz Français. Docteur Jazz a voulu en savoir un peu plus avant de l’inviter pour le stage de Rythmique organisé à Angers en octobre prochain.

david Sauzay

DJ : Bonjour David, peux-tu te présenter ?

DS : Né en 1972,  je débute le saxophone à l’âge de 8 ans dans la classe de Roger Michel-Frederic à Villefranche sur Saône. En 1988, lors d’un échange avec l’école de musique de Doncaster en Angleterre dirigé par John Ellis je décide de devenir musicien de jazz. J’étudie alors au conservatoire de Lyon, à l’EMN de Villeurbanne avec Gilbert Dojat et à l’AIMRA avec Jacques Helmus.

J’ai eu la chance de rencontrer et de travailler avec Mulgrew Miller, Tete Montoliu, John Abercrombie, Tim Ries, les big bands d’Albert Mangelsdorf et Carla Bley. En 1994, je suis membre actif du Collectif MU (créé la même année). Ce collectif de musiciens se rassemble pour jouer toutes les nuits dans une cave à Macon qui deviendra le Crescent Jazz Club composé de Francois Gallix, Eric Prost, Philippe Garcia, Gael Horellou, Laurent Sarrien, Laurent Courthaliac, Jean-louis Bonneton, Emmanuel Borghi, Fabien Marcoz et moi-même. Ce Collectif remporte le 1er prix du concours international de Jazz à Vienne en 1995 et le 1er prix du concours de la Défense en 1996. En parallèle , je joue dans l’ORJ de Grenoble dirigé par Gilles Lachenal et le Quintet de Simon Goubert avec Michel Grallier.

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Interview Pierrick Menuau

Saxophoniste et pédagogue, Pierrick Menuau est un musicien très actif sur la scène Française. Il a en outre créé la classe de jazz au CRR d’Angers. Docteur Jazz lui a posé quelques questions…

Pierrick Menuau
Photo : J.B Millot

      DJ : Bonjour Pierrick, peux-tu te présenter ?

PM : Je suis saxophoniste et professeur. Je dirige et coordonne le département jazz au CRR d’Angers, où j’ai créé la classe depuis 2007. En parallèle, je me produis avec mes projets.

  • DJ : Quelles sont tes principales influences ?

PM : Mes influences sont nombreuses et très variées, elles vont de Duke Ellington à Sonny Rollins, en passant par Billie Holiday, Cole Porter, Wayne Shorter, Don Cherry… Pour ne citer qu’eux.

  • DJ : Peux-tu nous parler de ton dernier projet « Togetherness » ?
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Paul Desmond

Carte N.21 du jeu de 7 familles Docteur Jazz

Paul Desmond. Découvrez 42 grands musiciens de jazz avec le jeu de 7 familles Docteurjazz.

Paul Desmond (Paul Emil Breitenfeld de son vrai nom) est né le 25 novembre 1924 à San Francisco. Il étudie d’abord la clarinette, avant d’adopter le saxophone alto en 1950. Il rencontre en 1944 à l’armée, le pianiste Dave Brubeck, avec lequel il va former un octet. En 1951, ils créeront le « Dave Brubeck Quartet » qui remportera un très vif succès avec des compositions qui feront le tour du monde, comme le célèbre « Take Five ». Le quartet sera dissous en 1967. En marge, Paul Desmond travaille également avec beaucoup de musiciens de la West Coast et fonde son propre quartet avec le guitariste Jim Hall. Il décède prématurément à 52 ans d’un cancer du poumon.

Son jeu de saxophone très original à l’époque, à l’instar de celui de Lee Konitz, se démarque de celui de Charlie Parker par une sonorité très douce, où le vibrato est pratiquement absent.

A Taste Of Honey. Paul Desmond

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Sonny Rollins

Carte N.27 du jeu de 7 familles Docteur Jazz.

Sonny Rollins

Né le 7 septembre 1930 à New York, Sonny Rollins est l’un des musiciens les plus importants du jazz moderne des années 50 et 60, il est également un créateur prolifique. Ses compositions sont jouées par les jazzmen du monde entier (Oleo, Saint Thomas, Airgin, Doxy…). Il commence très jeune par étudier le piano, mais il choisit rapidement le saxophone. Il apprendra son métier auprès de musiciens bebop tels que Charlie Parker ou Thelonious Monk.

Il se fait rapidement un nom, et il est l’un des premiers à jouer en trio sans piano. Il est impossible de citer les innombrables célébrités du jazz avec lesquelles il a joué et enregistré… 65 ans de carrière ! Quelques-uns de ses albums indispensables : « Tenor Madness », « Saxophone Colossus », « Way Out West », « Freedom Suite »…

Saint Thomas. Sonny Rollins

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Charlie Parker

Carte N.15 du jeu de 7 familles Docteur Jazz.

Charlie Parker. Découvrez 42 grands musiciens de jazz avec le jeu de 7 familles Docteurjazz.

Né le 29 août 1920 à Kansas City, Charlie Parker (surnommé « Bird » en raison de son goût immodéré pour le poulet, et de son jeu « agité » comme le vol d’un oiseau) est sans doute le musicien le plus emblématique du style Bebop. Au début des années 40, avec Dizzy Gillespie, il jette les bases du jazz moderne. Dès l’âge de 11 ans, il étudie le saxo en autodidacte, aidé par Buster Smith. Il obtiendra son premier engagement de professionnel dans l’orchestre de Jay Mc Shann en 1937.

En 1939 il s’installe à New York et y rencontre toute la jeune garde du jazz, avec laquelle il va créer ce nouveau style, basé sur des rythmes plus complexes, une harmonisation plus riche et tendue. Charlie Parker se produira en France en 1949, à la salle Pleyel notamment. Cette même année, il enregistrera avec un ensemble à cordes. Cet enregistrement lui apportera la consécration et la reconnaissance du grand public. Il décèdera très jeune, à l’âge de 34 ans, des suites d’une consommation démesurée de drogue…

Now’s The Time. Charlie Parker

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Interview de Gaël Horellou

Saxophoniste de très grande classe et pédagogue, Gaël Horellou répond aux questions de Docteur Jazz.

DJ : Peux tu te présenter ?

GH : Saxophoniste né à Caen en 1975, je suis tombé amoureux très jeune du jazz et des musiques noires en général. Mes parents (mon père comédien), m’emmenaient beaucoup au théâtre et aux concerts de jazz depuis tout petit. On écoutait beaucoup de musique à la maison (en vinyle) et j’avais un magnéto à cassettes sur lequel j’écoutais dès l’âge de 8/9 ans de grands classiques du swing : Sidney Bechet, Coleman Hawkins, Duke Ellington, etc… J’ai pris un saxophone à l’âge de 9 ans et j’ai commencé à jouer en formation au lycée vers 14 ans. J’ai ensuite débuté des études d’ingénieur, que j’ai sabordées pour devenir musicien professionnel à l’âge de 18 ans.

DJ : Quelles sont tes principales influences ?

GH : Bird, Cannonball, Mc Lean, Rollins, Coltrane.

DJ : Quel est ton meilleur et ton pire souvenir de musicien ?

GH : Il y a eu tellement de moments ! je n’arrive pas à me rappeler d’un meilleur ou d’un pire. Énormément de bons moments, très peu de mauvais.

DJ : Un mot ou une phrase pour définir le jazz selon toi ?

GH : SWING !

DJ : Si tu étais un standard de jazz ?

GH : « I’ll be seeing you », un de mes standards favoris.

DJ : Quels sont tes projets ?

GH : Je sors début 2021 un nouvel album en quintet avec orgue chez Fresh Sound : « ORGAN POWER ! » Et puis j’ai une résidence et des concerts avec mon projet réunionnais. J’y joue avec des percussionnistes, chanteurs de maloya. Nous travaillerons à La Réunion en mars, tournées prévues en juillet et octobre en métropole, ainsi que l’enregistrement d’un troisième album. 

J’ai également un nouveau projet électronique en chantier: un travail sur les grooves et particulièrement le ternaire.

J’attends impatiemment la reprise des concerts. Nous devions jouer 4 concerts ce mois de janvier avec Alain Jean-Marie, Duylinh NGuyen et Bernd Reiter. 

DJ : Parle nous un peu de ta dernière publication sur l’improvisation…

GH : C’est une méthode que j’ai intitulée : « Improvisation et langage du jazz – une approche mélodique pour tous les instruments ». Elle est sortie en 2019, m’a demandé 2 ans de rédaction et synthèse de notes prises pendant 10 ans.

C’est vraiment un retour d’expérience sur ce que j’ai pratiqué, avec en fil conducteur l’éclairage de Barry Harris avec qui j’ai fait un très grand nombre de stages et workshops. J’y expose ma manière de cultiver l’oreille tonale. Je parle du jeu vertical, horizontal, etc… Ma démarche est très personnelle, je vais chercher des sons chez les grands improvisateurs du jazz et je cherche à les décliner, à les changer de contexte et donc je réfléchis à des systèmes, tout cela dans une réflexion globale sur le système tonal et en utilisant les outils de Barry Harris.

DJ : Quelles sont les dates de tes prochains stages/ masterclass ? 

GH : Je donnerai 2 masterclass l’été 2021:

19 au 23 juillet 2021 à Cuxac-Cabardès (11)

9 au 13 aout 2021 au Monastier sur Gazeille (43)

Site Web de Gaël

Interview de David Fettmann

Magnifique saxophoniste à découvrir (Si ce n’est déjà fait), David Fettmann fait une belle carrière de soliste, notamment autour de ses compositions. Il fait également partie du Collectif Big One, qui vient de sortir les « Tableaux d’une exposition » avec Pierre de Bethmann en invité. Il a eu la gentillesse de se plier au jeu des 6 questions de Docteur Jazz !

Extrait Live au Sunset Jazz Club, « Lume Project » 

Teaser « Ruby Project » feat. Johnathan Blake

 Projet Pol Belardi’s Force, Live@Opderschmelz 

Interview de Pierre Bertrand

Saxophoniste, flûtiste, mais surtout arrangeur reconnu et enseignant, Pierre Bertrand est une « plume » qui compte dans le monde de l’écriture. J’ai voulu en savoir plus et l’ai soumis au questionnaire de Docteur Jazz.

DJ- Bonjour Pierre, peux tu te présenter ?

PB- Je suis musicien, saxophoniste, flutiste, chef d’orchestre, compositeur, 
arrangeur, pédagogue né en 1972 à Cagnes sur Mer.
Je dois mon déclic pour le jazz à la grande parade du jazz de Nice en 
1977 avec notamment le big band de Basie, Dizzy Gillespie et professeur 
Longhair.
J’ai commencé la musique en 1982 et écrit en autodidacte dès l’année 
suivante.
Après des études diverses, j’ai terminé au CNSM de Paris un cursus jazz 
et obtenu 2 prix d’écriture classique en 1997.
En 1998, à la demande de Bernard Maury je créé un cours d’écriture jazz 
qui s’est développé jusqu’à aujourd’hui autour du CRR de Paris, du 
PSPBB, du CRR de Nice, parfois du CNSM et maintenant à l’IMFP.
En 1999 je fonde avec Nicolas Folmer le Paris Jazz Big Band dont 
l’activité durera jusqu’à 2014.
En 2009 je fonde mon groupe principal « La Caja Negra » en activité 
aujourd’hui.

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Benny Carter et Saxomania

Additif à l’article sur Benny Carter, suite aux nombreuses questions concernant l’enregistrement de Saxomania avec Benny Carter.

Cet album enregistré au Théâtre des Champs-Elysées le 4 janvier 1988, fut le premier d’une longue série avec Saxomania, un septet créé par Claude Tissendier, qui comprenait 2 saxes alto, 2 saxes ténors et une rythmique. Nous avons par la suite, enregistré des albums avec Phil WoodsClark TerryGuy Laffitte, entre autres (et accompagné nombre de vedettes Américaines comme Herb Geller ou Lew Tabakin…)

Lors de cette séance, il était prévu que le batteur de Duke Ellington (de 1955 à 1966), Sam Woodyard (qui était venu à Paris dans les bagages de Gérard Badini pour y finir ses jours), joue quelques morceaux avec l’orchestre et Benny Carter. Malheureusement, le trac (eh oui) ou l’alcool (ou les deux), l’ont empêché de se joindre à nous et il est resté prostré à écouter en bas de l’estrade… Il est décédé quelques mois plus tard, le 20 septembre 1988.

Sam Woodyard était en France depuis la fin des années 70, et on le croisait souvent dans les clubs, on jouait même avec lui de temps en temps (Bon sang quel drive !! même fatigué, même saoul comme un cochon…). 

J’ai encore un souvenir incroyable à son sujet. Cela devait être en 1979 ou 1980, je jouais au piano avec mon tout premier trio, dans un club de la rue Dauphine à Paris « le Sélénite », avec Marc Bertaux à la basse et un copain de lycée à la batterie. Nous venions de terminer la soirée, vers 1h du matin, les copains étaient partis et je discutais avec ma maman qui était venue nous écouter. Lorsque débarque Sam Woodyard, à moitié saoul évidemment, deux baguettes dépassant de la poche arrière de son jean, vociférant, vraisemblablement quelques jurons intraduisibles… Il sort ses baguettes et hurle: « I WANNA PLAY ! I WANNA PLAY !”. Il se plante devant moi et avec son doigt, m’invite (euh ! ce n’est pas le bon terme…), m’intime l’ordre de filer au piano. J’avais 19 ans et j’étais terrifié ! Il se met à la batterie et commence à jouer le tempo tout seul. Voyant que je restais pétrifié devant le piano, il lança un titre : « « A » Train !!! ». Je m’exécutais bien sûr, jouant comme je pouvais et lui, chantant le thème derrière moi et me gratifiant de quelques « good boy ! good boy ! »… Nous avons joué peut-être pendant une heure en duo, uniquement des thèmes de l’orchestre de Duke, pratiquement seuls dans le club, ma mère médusée et le barman agacé, qui finira par nous mettre dehors…

Comme on dit : « c’est comme ça que le métier rentre » !… Ah ! Ah !

Stan Laferrière

Benny Carter

Le but de ces petits portraits, est de vous faire découvrir des arrangeurs moins connus, mais qui ont apporté au jazz, par leur charisme ou leur personnalité. Quand il s’agira de stars, alors nous irons explorer la face cachée des artistes, ou une facette méconnue… J’ai déjà une liste en tête, mais vos idées sont les bienvenues !

Benny Carter
Bennett Lester Carter
8 Août 1907 N.Y – 12 Juillet 2003 L.A

Benny Carter est connu comme instrumentiste de grand talent, mais sa contribution importante à la naissance du big band au milieu des années 20 et sa science de l’arrangement, sont pour moi les facettes les plus intéressantes de sa personnalité de musicien. 

Ce saxophoniste et trompettiste, curieux et boulimique, jouera dans nombre d’orchestres prestigieux, n’y restant parfois que quelques semaines… Fletcher HendersonDuke EllingtonChick WebbBenny Goodman… En 80 ans de carrière il sera tour à tour, selon les périodes et les opportunités qui lui sont offertes, musicien, directeur musical, chef d’orchestre, arrangeur, compositeur pour le cinéma ou la TV, enseignant.

Benny est né en 1907, d’un père guitariste et d’une mère pianiste et organiste, ses deux cousins sont également musiciens (Theodore Bennett, trompettiste et Darnell Howard, clarinettiste).

Dès son plus jeune âge, sa mère lui enseigne le piano. Un peu plus tard, impressionné par le jeu de Bubber Miley, il achètera un trompette, mais il l’échangera contre un C melody sax (sax en Ut), qu’il troquera finalement contre un sax alto !

C’est en Août 1924 que les choses sérieuses commencent. Il est engagé successivement par le trompettiste June Clark, les « Billy Paige’s Broadway Syncopators », avec lesquels il joue au Capitol de New-York, et les « Lois Deppe’s Serenaders ».

De 1925 à 1931, il jouera successivement avec Horace Henderson (le frère de Fletcher), Billy FowlerJames P.JohnsonDuke EllingtonFletcher HendersonCharlie Johnson. Il créera son propre orchestre en 1928 pour jouer à l’Arcadia Ballroom de New-York. Il reviendra finalement chez Fletcher Henderson, qui a surtout besoin de lui comme arrangeur, car le Big band se développe, la demande est énorme et les ballrooms engagent à tours de bras. 

Il fournira à cette époque un grand nombre d’arrangements majeurs de l’orchestre de Fletcher. C’est également à cette époque qu’il développe sa verve d’arrangeur inventif pour la section de saxophones, et qu’il impose le sax baryton comme cinquième anche dans la section. Le « standard » de la section de saxes du Big Band ne changera plus. 

D’un point de vue technique, le baryton va doubler le sax alto lead (la première voix de la section), renforçant la mélodie à l’octave inférieure, mais Benny Carter a d’autres idées en tête et va être l’un des premiers arrangeurs (avec Duke Ellington) à écrire à 5 voix pour les saxes ! Il va « élargir » la section en n’écrivant plus uniquement en « close voicings » (accords serrés), utilisant le baryton comme « libéro », le faisant jouer tantôt une cinquième voix, tantôt doubler le lead, ou bien soutenir la contrebasse en lui faisant doubler des fondamentales. Il ouvre la voie, au tout début des années 30, à l’écriture moderne. Des arrangeurs comme Quincy Jones ou Thad Jones lui doivent beaucoup.

Toujours durant les années 30, et on le sait peu, il va écrire de nombreux arrangements pour… Duke Ellington ! Et pour d’autres, comme Fletcher Henderson ou Benny Goodman, pour les plus connus.

En mars 1931 il rejoint l’orchestre de Chick Webb qu’il quitte au cours de l’été pour devenir directeur musical des « Mc Kinney’s Cotton Pickers », tout en jouant régulièrement avec Don Redman et Fletcher Henderson. A partir de septembre 1932, il va à nouveau diriger un orchestre dont le casting est impressionnant : le trompettiste Bill Coleman, le tromboniste Dicky Wells, les saxophonistes ténors Ben Webster et Chu Berry, le pianiste Teddy Wilson et les batteurs Cozy Cole et Sidney Catlett. Cette formation sera dissoute à la fin de 1934.

Les années qui vont suivre vont le faire beaucoup voyager, notamment en Europe où il va séjourner quelques temps. Paris, Londres, une tournée en Scandinavie (où il gère un orchestre international en 37), pour finir à Paris où il dirige l’orchestre du Bœuf sur le toit, avant de retourner aux États-Unis en mai 38.

Il va alors remonter un Big Band pour animer le Savoy Ballroom à New-York. Puis lors d’une tournée qui le fait passer à Los Angeles, il décidera de se poser quelques temps pour travailler à Hollywood, où il aura l’opportunité d’écrire des arrangements pour le cinéma (Stormy Weather, entre autres…) et un peu plus tard pour la TV. Il est l’un des premiers musiciens afro-américains à travailler dans les studios d’Hollywood, et (avec Nat King Cole) à pouvoir résider à Beverly Hills… Au milieu des années 40 il va remonter un big band (son dernier), dans les rangs duquel on trouvera des musiciens comme Max RoachJJ Johnson ou Miles Davis

Benny Carter est également à cette époque, un des musiciens « piliers » de l’orchestre du J.A.T.P (jazz at the Philharmonic), avec lequel il fait de nombreuses tournées.

L’essentiel de son activité durant les années 50 et 60 s’effectue à Los Angeles, où il est surtout arrangeur et directeur musical. Il écrira des arrangements pour Louis ArmstrongRay CharlesPeggy LeeElla FitzgeraldSarah Vaughan

Dans les années 70, il entame une nouvelle carrière, d’avantage axée vers l’enseignement. Il va pendant cette période, enchaîner les résidences dans les universités.

Preuve de l’incroyable production de Benny Carter : à l’occasion de son 75ème anniversaire, la radio New-Yorkaise WKCR diffusera 177 heures de ses enregistrements en continu !

Il sera actif (ne jouant plus que du saxophone) pratiquement jusqu’à la fin de sa vie. Il décèdera le 12 juillet 2003 à Los Angeles.

Voici un lien intéressant pour sa discographie qui vous permettra de constater l’étendue de la production de ce musicien exceptionnel, récompensé par 3 Grammy Awards et finalement très peu connu du grand public. 

Discographie Benny Carter

Une petite anecdote personnelle :

J’ai eu la grande chance de côtoyer ce géant du jazz dans les années 80/90. Plusieurs tournées, notamment avec Saxomania et un bel album enregistré au Théâtre des Champs-Élysées en 1988. Comme la plupart des « grands » du jazz, il était d’une grande humilité, bienveillant et dans un partage permanent. 

de gauche à droite: Stan Laferrière, Nicolas Montier, Benny Carter, François Laudet, Pascal Chebel.

Un de mes meilleurs souvenirs de jeune arrangeur, lorsque j’étais le pianiste et co-arrangeur (Avec François Biensan) du Big Band de Gérard Badini, fut un concert mémorable au festival de Juan-Les-Pins. Il s’agissait pour le big band, de faire un concert retraçant l’histoire du jazz en invitant pour chaque morceau, une légende du jazz… Ainsi, de mémoire, nous avons accompagné : Claude LuterBenny BaileyLa VelleClark TerryBenny CarterPhil WoodsJohnny GriffinDiane Reeves, Archi Shepp… J’en oublie sans doute. J’étais chargé d’écrire des arrangements ou de faire des transcriptions pour tous ces prestigieux invités…

Je n’oublierai jamais le moment où à la balance, Benny Carter est monté sur la scène pour écouter l’arrangement que l’on m’avait demandé d’écrire sur une de ses magnifiques ballades « Evening Star ». Il s’est assis sur un tabouret de bar à côté du piano, et a demandé à ce que l’on joue le morceau… Puis il est venu près de moi et m’a dit à l’oreille : « Great job Stan ! Thank you so much ». J’ai retrouvé le fax qu’il avait envoyé à Gérard Badini et où il mentionne: « Stan can do what he likes with the arrangement, and I will be happy if he chooses to surprise me with his concepts » … Quel témoignage incroyable, à plus de 80 ans, de sa curiosité et de son ouverture d’esprit…

Le saxophone dans le jazz

S’il est un instrument qui a grandi et a acquis ses lettres de noblesses avec la musique de jazz, c’est bien le Saxophone !   Cet instrument, arrivé tardivement, vers le milieu du 19ème siècle, n’a pas d’emblée trouvé sa place au sein de l’orchestre. Malgré quelques tentatives de compositeurs aventureux, il faudra attendre que le jazz s’en empare au début du 20ème siècle, pour assister à son essor fulgurant, au point qu’il devienne l’emblème incontesté de cette musique (qu’il demeure encore aujourd’hui).

Adolphe saxe

ADOLPHE SAXE

C’est un certain Adolphe Saxe, Belge établi en France (1814-1894), inventeur de génie, qui présente en 1841 le premier brevet d’un instrument appelé « Saxophone ». Avant cela, il met au point un diffuseur de vapeur de goudron pour aseptiser les usines et entrepôts (invention saluée par Louis Pasteur en personne !), il touche à la médecine, aux chemins de fer, mais son domaine d’action va vite se focaliser sur les instruments de musique. Dès son plus jeune âge, il démonte, ausculte, modifie toutes sortes d’instruments. Excellent clarinettiste, Adolphe déposera nombre de brevets pour améliorer la clarinette et la clarinette basse. Il prouve de façon scientifique que la forme du tube n’influe absolument pas sur le timbre de l’instrument, mais que c’est son diamètre et sa longueur…

A l’exposition de l’industrie Belge de 1841, il joue du saxophone derrière un rideau ! De peur sans doute qu’on lui dérobe son invention. C’est un peu symptomatique de la lutte permanente que va devoir livrer Adolphe, pour défendre ses inventions…

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Sidney Bechet

Carte n°3 du jeu de 7 familles Docteur Jazz
Sidney Bechet. Découvrez 42 grands musiciens de jazz avec le jeu de 7 familles Docteurjazz.

Né le 14 mai 1897 à la Nouvelle-Orléans, le clarinettiste et saxophoniste Sidney Bechet peut être qualifié de prodige musical, tant il a marqué de son empreinte le jazz traditionnel. Clarinettiste à ses débuts, il va découvrir à Chicago le saxo soprano, qui correspond davantage à son caractère de leader. Cet instrument va lui permettre également de développer son célèbre vibrato.

Forte tête et bagarreur, il ne restera jamais bien longtemps dans les orchestres qui l’engagent. Duke Ellington le gardera seulement 3 mois en 1924 ! Il s’installe en France en 1949 et y restera jusqu’à sa mort en 1959. Il composera son morceau le plus célèbre « Petite Fleur » en 1952.


Muskrat Ramble. Sidney Bechet

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Lester Young

Carte N°8 du jeu de 7 familles Docteur Jazz

Lester Young. Découvrez 42 grands musiciens de jazz avec le jeu de 7 familles Docteurjazz.

Né le 27 août 1909 à Woodville dans le Mississipi, Lester Young, surnommé « Prez » (le président) est, avec Coleman Hawkins, l’un des deux musiciens qui ont révolutionné le jeu de saxophone dans le jazz. Ils ont ainsi influencé de près ou de loin, tous les saxophonistes des générations suivantes. Après avoir débuté comme batteur (son frère Lee Young est d’ailleurs un excellent batteur), Lester se consacre entièrement au sax ténor.

Il s’installe à Kansas City en 1933, où il sera remarqué par Count Basie, qui l’engage dans son orchestre en 1936. Il se lie d’amitié avec Billie Holiday et le pianiste Teddy Wilson, avec lesquels il enregistrera de nombreuses fois. De retour du service militaire, il intègre les tournées du J.A.T.P (Jazz at the philarmonic) où il a l’occasion de jouer avec Charlie Parker et Nat King Cole. Il décède prématurément an 1959… Le jeu de Lester Young, aérien et tout en finesse, tranche avec celui de Coleman Hawkins, plus viril et puissant.

Lady Be Good. Lester Young 1936

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