Stage/Workshop jazz classique Ascona 2021

J’ai eu le grand plaisir d’animer, en compagnie de quelques collègues talentueux, le 25ème workshop de jazz classique à Ascona (Suisse Italienne) en cette première semaine de novembre 2021. Un grand plaisir de pouvoir échanger à nouveau en « live » avec les étudiants. J’étais en charge des guitaristes et banjoïstes.

Au programme : l’étude de quelques standards, souvent joués avec des mélodies et harmonies erronées. Ce qui dérange, n’est pas tant que ces standards soient modifiés (ce qui semble naturel au fil du temps et de l’évolution du jazz et de son harmonie), mais plutôt la méconnaissance, voire l’ignorance de ces pièces, telles qu’elles ont été écrites par leurs compositeurs, avec leurs chemins harmoniques et astuces, qui donnent souvent toute l’originalité à ces chansons (90 % des standards de jazz sont à l’origine, des chansons écrites pour Broadway 1920-1940).

Libre ensuite, à tout un chacun, en connaissance de cause, de modifier ou arranger les mélodies, les harmonies… Nous étudions ici, des grilles « consensuelles » qui peuvent permettre, notamment en jam session, de se retrouver sur un standard en jouant les mêmes harmonies que le voisin ! 😉

Il s’agit ici de la version Mulligan/Baker quartet sans piano ni guitare…Le contrepoint Sax/Tp/Bass fait clairement entendre les enchaînements d’accords

La grille originale fait plutôt entendre F-Dm7-Gm7-C7 sur les deux premières mesures…


Beaucoup d’options possibles sur ce morceau de Duke… Ici, une grille « usuelle »

On remarque sur ce morceau très très joué en jazz « Trad » le Gb7 à la fin du A, qui apporte toute l’originalité. On remarque aussi que contrairement à ce que tout le monde fait, il n’y a pas de Ab7 à la mesure 4 du B. La mélodie faisant entendre sur G7, la quinte augmentée, la tierce et la quinte. Le fait de « suivre » la mélodie avec un Ab7, annihile totalement l’effet…

L’astuce (jamais jouée) dans ce morceau, réside dans ce E7 joué à la mesure 5 (On joue souvent à la place un D7, ou l’on reste sur le F)

Voici une réaction/explication de mon ami et collègue Cyril Achard (grand harmoniste)

« Ici, E7 n’est pas en fonction harmonique mais mélodique bien sûr.
C’est un accord d’approche de IIm7, à la faveur d’une progression chromatique des voix.
Les boppers ont popularisé cet évènement comme suit : (IIIm7) – bIII°7 – IIm7.

Ici, le compositeur aurait pu conserver le degré I sur la totalité de la mesure, il a choisi de dynamiser l’approche de IIm7, par l’ajout de VII7.
Il aurait très bien pu conserver une pédale de fa avec E/F vers Gm7
.

VII7 et bIII°7 vers IIm7, expriment le même phénomène de sensible descendante (j’ai trouvé cela très tôt chez Haendel) :
VII7 (E7) aux voix supérieures, bIII°7 (Ab°7) à la voix basse.

Dans tous les cas, ce qui se joue ici est la résolution descendante du sol# (lab) vers sol becarre, et l’approche du sib par le si bécarre.

Le problème, c’est que le thème fait entendre la sensible du ton : la note mi est bien moins harmonisée avec le diminué d’approche (Ab°7)
qu’avec sa dominante racine E7.
Hoagy Carmichael, conserve l’idée de l’accord d’approche, mais avec une « pente abrupte » à la voix grave : le saut de tierce ascendant.

Autant le dire, pour moi E7 n’a aucun sens: il s’agit avant tout d’un phénomène linéaire.« 


Ici encore, certaines progressions ont été modifiées au fil du temps et sont devenues la norme admise et jouée par la majorité (Mesures 1 et 2) et certaines astuces ont disparu (par exemple, la substitution de la mesure 5 qui existe dans la partition d’origine)

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