Interview de David Linx

Vocaliste incontournable de la scène internationale, David Linx répond aux questions de Docteur Jazz. Nous aurons le plaisir de l’accueillir lors d’une des prochaines sessions du stage de Scat à Angers !

Photo : Alexandre Lacombe

DJ : Bonjour David, merci de prendre le temps de cette interview sur le blog ! Peux-tu te présenter ?

DL : Je m’appelle David Linx, je suis chanteur de jazz, compositeur et parolier (pour d’autres artistes et chanteurs/chanteuses). Je suis professeur de chant et ensembles vocaux depuis 25 ans à la section jazz du Conservatoire Royal de Bruxelles, ainsi que professeur invité au conservatoire d’Amsterdam aux Pays-Bas depuis environ 10 ans. Professeur en résidence à la Jazz Academy de Sienne en Italie depuis cette année, je donne également des masterclass lorsque je suis en tournée (Capilanou University au Canada, Wharton Institute dans le New Jersey, NYC appreciation classes, Taiwan, Brésil, etc…).

J’ai enregistré une trentaine de disques sous mon nom et je figure dans une soixantaine d’autres, comme invité. J’ai joué et/ou enregistré avec: Harry « Sweets » Edison, Johnny Griffin, Clark Terry, Slide Hampton, Nathalie Dessay, The Count Basie Orchestra, Frank Foster, Toots Thielemans, Mino Cinelu, Marc Ducret, Philippe Catherine, Paolo Fresu, Erik Truffaz, Aka Moon, Khalil Chahine, Roy Ayers, Oumou Sangare, Me’shell Ndégéocello, Billy Cobham, Lena Willemark, Palle Danielsson, Jon Christensen, Didier Lockwood, Richard Galliano, Michel Portal, Abraham Laboriel, Kenny Wheeler, Claude Nougaro, Mark Murphy, Sheila Jordan, Ivan Lins, Daniel Humair, Gonzalo Rubalcaba, Omara Portuondo, Fay Claassen, Maria Pia de Vito, Rhoda Scott, Marc Ribot, Nguyên Lê, Craig Street, Ernie Wilkins, Ivan Lins, The Dutch Metropole Orchestra, Orchestra Jazz Della Sardegna, Steve Coleman, Jon Faddis, Ray Lema, Marc Ribot, Horace Parlan, Sahib Shihab, Andy Sheppard, Juan José Mosalini, Aldo Romano, Bob Stewart, Minino Garay, Hanna Schygulla, Maria Joao, Mario Laginha, Gustavo Beytelman, David Gilmore, Maurane, Juliette, Greg Cohen, Michel Fugain, Tetê Espindola, Kevin Breit, Claudio Roditi, Antonio Farao, Grégory Privat, Thierry Lang, Brussels Jazz Orchestra, Hamilton de Holanda, Miroslav Vitous, Jacques Schwartz-Bart, Tigran Hamasayan, Ran Blake, Magic Malik, Lenine, Viktor Lazlo… 

DJ : Quel palmarès ! Quelles sont tes principales influences ?

DL : Mise à part la musique naturellement, plutôt les gens chez qui je suis allé chercher ce qui m’importait pour grandir. J’ai ainsi habité chez James Baldwin vers mes 18 ans, avec qui j’ai également enregistré un cd sur lequel il récite ses poèmes : A Loevr’s Question (toujours disponible) avec entre autres Pierre Van Dormael, Steve Coleman, Toots Thielemans, Slide Hampton, Jimmy Owens, Bob Stewart… À part chanter j’y joue également de la batterie. J’ai aussi habité chez Kenny Clarke et Jerry Van Rooijen dans ma jeunesse. Nathan Davis, le saxophoniste ténor, était mon parrain, donc je baigne dans la musique en général depuis tout petit. A part eux, mes plus grandes influences sont Miles Davis, pour toute son oeuvre, Betty Carter, Ella Fitzgerald, Mark Murphy, que j’ai accompagné à la batterie lors des ses passages en Europe dans mon adolescence, Astor Piazzolla, Abdelhalim Hafez, Michael Brecker. 

DJ : Un mot ou une phrase pour définir le jazz selon toi ?

DL : Pour moi le jazz est une façon d’aborder la musique, et donc la vie également, comme une interaction constante entre les éléments. Le rythme est prioritaire pour moi : c’est le ballon qui rend le gaz (mélodie, harmonie et tempo) visible.

DJ : Si tu étais un standard de jazz ?

DL : Si j’étais un standard de jazz, bien que c’est difficile de me limiter à un, mais je serais « ‘Round Midnight ».

DJ : Que penses-tu de la place qu’occupent le vocal et le scat, dans le monde du jazz actuellement ?

DL : À mon avis, le jazz vocal passe par une crise d’identité où la « poppisation » brouille les pistes du progrès vocal dans le jazz. J’ai énormément travaillé avec les disques de Ella Fitzgerald lorsque j’étais petit, et ses bases pour le scat, comme celles d’Eddie Jefferson ou encore Jon Hendricks et Mark Murphy, ou encore Al Jarreau dans les années ’70, m’ont poussé très jeune (1977) à explorer Betty Carter qui à mon avis a emmené le scat vers l’improvisation vocale. Bien qu’ayant travaillé en écoutant les grands instrumentistes, pour le son et les fréquences, Betty Carter m’a permis d’explorer d’autres syllabes pour accompagner mes idées musicales, sortant ainsi des syllabes « imposées ». On peut néanmoins être créatif à l’intérieur d’un thème sans scatter à condition que la parole et le texte soient le « locomotif » pour prendre des challenges rythmiques dans le phrasé-même. Je peux enregistrer un cd sans improviser (scatter) du tout et puis choisir sur scène de commencer le concert avec une ballade très lente dans laquelle je prends un solo. Dans une ballade il faut vraiment improviser en dehors de l’idiome du scat à mon avis. Là, Miles Davis m’a été d’une utilité énorme dans le fait de créer un paysage sonore et d’y frayer « son » chemin, semé de pensées et silence(s).

DJ : Toi qui enseignes depuis des années, avec le recul, quelle est ta vision de l’apprentissage du chant jazz ?

DL : Quand j’enseigne, je pars toujours du rythme et des paroles. Parce que ce sont les paroles qui nous différencient des musiciens, de façon à ce que lorsqu’on improvise on ait l’impression de parler également et de raconter une histoire en construisant sa propre dramaturgie dans le moment. Je travaille beaucoup la technique pour être sûr de n’avoir pas de contraintes techniques sur scène, pour donner libre cours aux idées qui me viennent, je travaille la différence entre puissance et énergie en insistant sur les fréquences et le placement de la voix avec le gospel. Je travaille beaucoup avec l’omnibook de Charlie Parker pour étudier les propositions rythmiques des idées ainsi que la position d’un leader au sein d’un groupe sans fausse autorité. Et l’improvisation aussi naturellement : Lennie Tristano, Coltrane, etc… mais aussi Bach et les choros Brésiliens. Le lien entre tout ça donne une palette très large pour aborder l’improvisation en général, au-delà du scat et du style-même. Dans mon répertoire je dois, stylistiquement dépasser le scat mais sans le scat je n’aurais jamais trouvé mon style propre dans l’improvisation. Acquérir son style c’est d’abord tout travailler avec joie et passion au delà du style. Si on a une histoire à raconter on aura son style propre au final. Cela se construit constamment. Mais il y a tellement de choses à dire encore sur l’enseignement…

DJ : Alors nous en reparlerons avec grand plaisir David !

Quels sont tes projets actuellement ?

DL : Mes projets immédiats sont : la sortie d’une célébration de David Bowie « Let’s Play » avec le Jav Contreband de Valence, avec des arrangements sublimes de Pascal Berne. En septembre je sors un cd avec Fay Claassen et le WDR Big Band « …And Still We Sing ». En Novembre je sors un cd avec 15 duos: « Be My Guest » avec entre autres: Tigran Hamasyan, Ran Blake, Hamilton de Holanda, Theo Bleckmann, Nguyên Lê, Magic Malik, Eric-Maria Couturier, … Ensuite je sortirai un projet avec Guillaume de Chassy et Matteo Pastorino et après je travaille sur la suite de « Skin In The Game ». J’apparais en invité sur une dizaine de cd’s par an, d’autres artistes, ce qui me permet d’avancer sur l’exploration de la voix.

DJ : Merci infiniment David pour ton témoignage, qui va j’en suis sûr, passionner les abonnés du blog !

A très vite donc ! et bonne musique à toi !

Le site officiel de David Linx

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