Le pianiste autodidacte Erroll Garner aurait eu 100 ans il y a quelques jours ! Né le 15 juin 1921 à Pittsburg et décédé le 2 janvier 1977 à Los Angeles, ce musicien, catalogué par la critique au début de sa carrière (à l’instar de son collègue Ahmad Jamal) comme « pianiste de bar » (Mon dieu, faut-il ne pas avoir d’oreille et aucun sens du swing !), s’est vite fait une place dans le « top ten » des pianistes de jazz les plus célèbres de l’histoire du jazz. Il réalise la meilleure vente de disque de jazz instrumental de tous les temps avec « concert by the sea » enregistré en 1955. Ce fut le 1er disque de jazz au monde à dépasser le million de ventes en 1958.
Musicien exceptionnel au style unique, il développe un jeu très orchestral, tout en nuances, avec une main gauche « infernale » qui assène les 4 temps et les relances, comme le ferait la rythmique de Count Basie. Culture, humour, romantisme, swing omniprésent, si beaucoup de pianistes se sont abreuvés de son style, peu d’entre eux sont capables de reproduire son jeu tellement particulier…
A cette occasion, Docteur jazz fait une petite interview du pianiste Pierre Christophe, qui est (entre autres…) l’un des plus dignes représentants Européens, voire mondiaux, du style emblématique d’Erroll Garner. Élève du fabuleux Jaki Byard, il possède une grande culture, qui fait également de lui un sideman recherché.
DJ : Bonjour Pierre, peux tu te présenter ?
PC : Pianiste de jazz et compositeur né en 1969, j’ai étudié le piano classique enfant au conservatoire avant d’entrer dans la classe jazz de Guy Longnon au Conservatoire de Marseille. Par la suite j’ai étudié avec Michel Grailler et passé 4 ans auprès de Jaki BYARD à la Manhattan School Of Music.
DJ : Quelles sont tes principales influences ?
PC : Erroll Garner, Jaki Byard, Bill Evans pour les pianistes, Maurice Ravel et Claude Debussy pour le classique.
DJ : Quels sont ton pire et ton meilleur souvenirs ?
PC : Mon meilleur souvenir: 2 soirs au Sunset avec l’altiste Frank Morgan, très malade (il décède juste après dès son retour aux USA) il joue chaque morceau comme si c’était la dernière fois et on est bouleversé sur scène quand il joue » Goodbye » de Gordon Jenkins ( j’ ai l’ enregistrement , un moment de pure poésie ).
Plus mauvais souvenir à ce jour : être obligé de jouer du Bénabar j’ai voulu vraiment arrêter la musique ce soir-là.
DJ : Ta définition du jazz ?
PC : liberté encadrée.
DJ : Si tu étais un standard de jazz ?
PC : Dreamy (d’Erroll Garner) , la musique et le titre collent à ma personnalité.
DJ : Que représente pour toi le style d’Erroll Garner ?
PC : Garner représente pour moi la perfection, c’est un puits sans fond de swing et d’idées mélodiques jouées avec un son de piano magnifique et unique. A l’aise sur tous les tempos et dans toutes les tonalités, c’est le jazzman qui m’a donné envie d’être musicien. La prise de risque perpétuelle dans son jeu et son sens de l’humour en font un musicien unique et inimitable. Si je devais résumer Garner en un mot: MAGICIEN.
DJ : Quels sont tes projets ?
PC : prochain projet : un album en duo de compositions originales avec le guitariste Hugo Lippi ( sortie en Nov 2021 ).
Caricature d’Erroll Garner par Rik (Amandine Ricart) – Papiers découpés