Michael Mayo chante “Four” – multitrack vocal cover
MICHAEL MAYO VOCAL COVER
Je fais régulièrement faire des « covers » à mes élèves d’écriture, c’est un excellent moyen d’étudier « l’habillage » avec un cahier des charges plus ou moins contraignant… Alors, petit débriefing …
Parlons un peu de la réalisation, de la méthode et des moyens mis en œuvre.
Si l’on met de côté le fait qu’artistiquement je suis totalement fan de ce titre en quartet qui mélange tradition et modernité, le matériau de départ sur lequel je décide de travailler est de mon point de vue, exceptionnel de qualité : les musiciens, la prestation vocale, la construction de l’arrangement, le son, et même l’image…
Pour l’arrangeur, la première difficulté va donc résider dans le fait de ne pas venir troubler cet équilibre parfait, mais de juste ajouter sa touche personnelle et « d’habiller » sans détourner l’attention du sujet principal, en respectant les solistes, le style, et l’esthétique générale, autant que faire se peut.
On adapte le volume du cover afin qu’il ne couvre pas le reste, et on tente de travailler l’égalisation pour qu’elle corresponde à l’esthétique du projet originel.
Lorsque je travaille sur un cover, je n’écris rien et travaille directement par empilement de voix sur Logic. (C’est ma méthode, mais il est évident que l’on peut faire autrement et écrire son arrangement avant de le réaliser).
Pour autant, cela ne veut pas dire que je ne prémédite rien car, comme lorsque j’écris « papier », je commence toujours par intérioriser ce que je souhaite entendre. Je vais donc me passer plusieurs fois le titre en entier, afin de décider de ce que je vais pouvoir enregistrer et à quels endroits.
Ici, mon choix se porte uniquement sur des voix (ou chœurs). Cependant, certains auront remarqué que sur la deuxième partie du thème final, j’ai ajouté de discrètes nappes de violons, pour « épaissir » un peu, et créer une nouvelle sensation sonore ainsi qu’une progression.
Ce cover est donc réalisé avec l’empilement d’une dizaines de voix (pas toujours toutes ensembles). Il y a des sous-groupes de 3 , 4, ou 5 voix en homorythmie (les différents groupes pouvant se répondre), ainsi que quelques parties solistes, ou isolées.
Les principaux phonèmes utilisés sont des « OU », très efficaces et doux pour les tenues, et des « PA », plus percussifs, pour les « pêches » et accents. Quelques bribes des paroles de la chanson sont parfois utilisées, de même que quelques phonèmes du scat de Michael, pour lui répondre ou le doubler à une ou deux voix en homorythmie (Notamment sur son solo).
Nous sommes ici confrontés à un « cahier des charges » harmonique et rythmique assez sévère disons-le !
Je vais donc faire coller mes « PA » à 5 voix (closed voicings), au rythme et à l’harmonie imposés. Cette pattern avec une syncope tous les 3 temps qui donc se décale, est assez prégnante.
Je vais la quitter à la 9eme mesure et faire des tenues, pour créer un contraste, tout en faisant changer les harmonies en suivant le rythme imposé. A noter que pour la ré exposition du thème, j’évite le copier-coller grâce à de légères différences accentuées par l’ajout des violons, ainsi que de petites phrases vocales solo en réponse à Michael. Lui-même d’ailleurs, n’interprète pas son dernier exposé de thème comme le premier.
Concernant le solo de scat, je décide d’être relativement « light », et d’harmoniser quelques phrases seulement (2 voix, puis 3 à la « barber shop » : une au-dessus du lead et une au-dessous), afin de mettre le scat de Michael en valeur. Je décide en revanche de doubler discrètement le très beau solo de contrebasse (pour ne pas faire la même chose sur les 2 solos).
Pour la Coda, progression oblige, c’est un peu plus chargé !
Le « fill » de piano sur ce Emaj7-#11 est hyper intéressant, je décide de le doubler à la voix, au violon et au piano à l’octave, pour le faire carrément ressortir et créer un nouveau son. Au même moment je double les Mi graves de la basse en faisant percussion. A noter, ce dernier accord de la grille (un Emaj7 entendu comme une sixte Napolitaine), est présent à la fin de toutes les structures, et servira de support à la coda.
Le mixage, le travail de spatialisation panoramique et l’utilisation de différentes réverbérations, apportent la touche finale à l’ensemble, et donne le relief et la profondeur. Je travaille les voix sans compresseur, juste en les égalisant.
Côté matériel : pour les voix, j’utilise 2 micros : un AT 4040 cardioïde (Audio Technica), et un clone chinois de Neuman, entièrement vidé et reconditionné par mon ami Bruno Minisini. J’ai par ailleurs investi dans une bonne carte son « Antelope Discrete 4 » très efficace.
Pour finir, et pour parler de méthode : toutes les voix sont enregistrées en direct sur le playback, sans l’utilisation d’aucun correcteur de voix type « melodyne ou « auto tune », mais avec bien entendu un peu « d’Editing »…
Au total, entre l’enregistrement et le mixage, deux grosses journées de travail auront été nécessaires.