Fait de société ? Ostracisme machiste ? Si l’on excepte les vocalistes et quelques pianistes, les femmes instrumentistes renommées ne sont pas très présentes dans la musique de jazz. Et lorsque l’on parle d’arrangement, alors on peut dire qu’elles sont quasiment absentes… Et pourtant !…J’aimerais ici mettre en lumière l’incroyable talent pourtant si méconnu, de la tromboniste et arrangeuse Melba Liston.
A l’âge de 7 ans, sa mère, grande amatrice de musique, lui offre son premier trombone. Elle débute son apprentissage en autodidacte. A l’âge de 10 ans, la famille déménage à Los-Angeles, Melba étudie alors en compagnie de Dexter Gordon et Eric Dolphy ! En 1944, à 18 ans, elle intègrera le big band de Gerald Wilson… Elle joue ensuite en 1947 dans le big band de Dizzy Gillespie, où elle côtoie John Coltrane et Paul Gonsalves. Forte de cette expérience, elle rejoindra ensuite l’orchestre de Count Basie.
Melba Liston fut la première femme instrumentiste à jouer dans un big band au début des années 40. Outre son talent de tromboniste, qui lui valut d’être engagée dans les orchestres de Dexter Gordon, Dizzy Gillespie, John Lewis, Count Basie, Billie Holiday, Art Blakey, Ray Charles, Dinah Washington, Oliver Nelson et bien d’autres, son art trouvera la plénitude au travers de la composition et de l’arrangement. Elle a signé de magnifiques orchestrations pour les orchestres de Count Basie, Dizzy Gillespie, Randy Weston… Beaucoup de ses arrangements sont attribués à des chefs d’orchestres qui en avaient fait leur « petite main ». Ainsi par exemple, elle a écrit quelques arrangements pour l’album de Quincy Jones « Birth of a Band », comme la somptueuse ballade interprétée par Phil Woods : « The Gypsy ».
Son style de jeu s’inscrit clairement dans la période Bebop et post-bop, avec une science harmonique peu commune au trombone.
Ses arrangements eux aussi, témoignent d’une grande culture et ouverture d’esprit (Jazz, musique classique, musiques africaines). Son intérêt pour la musique expérimentale, atonale, polyrythmique, enrichit son vocabulaire et donne à son écriture un caractère particulièrement original et moderne, dans le sens le plus littéral du terme.
Elle collaborera à pas moins de 10 albums avec le pianiste et compositeur Randy Weston, entre 1958 (« Little Niles ») et 1998 (« Khepera »)
Elle sera récompensée en 1987 par un « Jazz Master », plus haute distinction américaine en matière de jazz…
A écouter :
« Little Niles » de Randy Weston (1958)
« The Gypsy » tiré de « Birth of a Band” de Quincy Jones (1961)
« The Gypsy » Cover scat de Stan Laferrière
La plupart des femmes instrumentistes ont été des pianistes (Mary Lou Williams,Marian Mc Partland par exemple)…
Bonjour. Je vous suis complètement pour rétablir la place des femmes dans le jazz, mais la phrase « Melba Liston fut la première femme instrumentiste à jouer dans un big band » me gêne : il a eu quelques big-bands entièrement féminins dans les années 30.
Je suis bien d’accord avec vous, mais il est évident que je parlais d’orchestres non-exclusivement féminins !…;-)