Additif à l’article sur Benny Carter, suite aux nombreuses questions concernant l’enregistrement de Saxomania avec Benny Carter.
Cet album enregistré au Théâtre des Champs-Elysées le 4 janvier 1988, fut le premier d’une longue série avec Saxomania, un septet créé par Claude Tissendier, qui comprenait 2 saxes alto, 2 saxes ténors et une rythmique. Nous avons par la suite, enregistré des albums avec Phil Woods, Clark Terry, Guy Laffitte, entre autres (et accompagné nombre de vedettes Américaines comme Herb Geller ou Lew Tabakin…)
Lors de cette séance, il était prévu que le batteur de Duke Ellington (de 1955 à 1966), Sam Woodyard (qui était venu à Paris dans les bagages de Gérard Badini pour y finir ses jours), joue quelques morceaux avec l’orchestre et Benny Carter. Malheureusement, le trac (eh oui) ou l’alcool (ou les deux), l’ont empêché de se joindre à nous et il est resté prostré à écouter en bas de l’estrade… Il est décédé quelques mois plus tard, le 20 septembre 1988.
Sam Woodyard était en France depuis la fin des années 70, et on le croisait souvent dans les clubs, on jouait même avec lui de temps en temps (Bon sang quel drive !! même fatigué, même saoul comme un cochon…).
J’ai encore un souvenir incroyable à son sujet. Cela devait être en 1979 ou 1980, je jouais au piano avec mon tout premier trio, dans un club de la rue Dauphine à Paris « le Sélénite », avec Marc Bertaux à la basse et un copain de lycée à la batterie. Nous venions de terminer la soirée, vers 1h du matin, les copains étaient partis et je discutais avec ma maman qui était venue nous écouter. Lorsque débarque Sam Woodyard, à moitié saoul évidemment, deux baguettes dépassant de la poche arrière de son jean, vociférant, vraisemblablement quelques jurons intraduisibles… Il sort ses baguettes et hurle: « I WANNA PLAY ! I WANNA PLAY !”. Il se plante devant moi et avec son doigt, m’invite (euh ! ce n’est pas le bon terme…), m’intime l’ordre de filer au piano. J’avais 19 ans et j’étais terrifié ! Il se met à la batterie et commence à jouer le tempo tout seul. Voyant que je restais pétrifié devant le piano, il lança un titre : « « A » Train !!! ». Je m’exécutais bien sûr, jouant comme je pouvais et lui, chantant le thème derrière moi et me gratifiant de quelques « good boy ! good boy ! »… Nous avons joué peut-être pendant une heure en duo, uniquement des thèmes de l’orchestre de Duke, pratiquement seuls dans le club, ma mère médusée et le barman agacé, qui finira par nous mettre dehors…
Comme on dit : « c’est comme ça que le métier rentre » !… Ah ! Ah !
Stan Laferrière