Interview de Leila Olivesi

Pianiste, compositrice et pédagogue, Leila Olivesi est une artiste complète, très présente sur la scène du jazz Français. Elle vient de publier un ouvrage pédagogique très intéressant et répond aux questions de Docteur Jazz.

DJ : Le parcours de Leila est assez impressionnant. Jugez plutôt :

Diplômée en philosophie et en musicologie à la Sorbonne, en piano jazz, formation musicale, écriture et orchestration au conservatoire et à l’IACP. Prix et distinctions : Ellington composers, Coup de coeur de l’Académie Charles Cros, Académie du Jazz, Tremplin jazz à Montmartre, Trophées du Sunside, Tremplin jazz île de France, La Défense, Jazz primeur de Culture France, Prix Sacem et Prix Défi Jeunes. 

Lauréate du concours de composition pour Big Band « Ellington composers » en 2013, la pianiste Leïla Olivesi a commencé la scène au sein de la troupe des P’tits Loups du jazz à l’âge de treize ans. Née au Moulin d’Andé en Normandie, d’un père mauritanien et d’une mère corse, Leïla a grandi à Paris dans l’effervescence artistique et cosmopolite de son milieu familial, entre le bandonéon d’Astor Piazzola, Nina Simone et la musique de Miles Davis et John Coltrane. 

Leïla Olivesi s’est produite dans de nombreux festivals en France et à l’étranger : Jazz in Marciac, Radio France Montpellier Jazz Festival, Albertville Jazz Festival, Orleans Jazz Festival, Ankara Jazz Festival, Les Elles du jazz, Ciman jazz à Nouakchott, Jazz à St Germain des prés, Paris Jazz Club, le Midem… 

Son dernier album la SUITE ANDAMANE a reçu un Coup de coeur de l’Académie Charles Cros et rassemble des musiciens exceptionnels pour un voyage qui traverse l’Afrique, l’Amérique et l’Asie au rythme de compositions flamboyantes et poétiques : une Suite pour nonet en quatre mouvements et des chansons vibrantes sur des textes de poétesses comme Karine Leno Ancellin et Djamila Olivesi ou encore une réinterprétation originale du célèbre Satin Doll de Duke Ellington.

Elle a collaboré avec des artistes comme David Binney, Jean-Charles Richard, Alex Terrier, Elisabeth Kontomanou, Manu Codjia, Emile Parisien, Jeanne Added, Magic Malik, Rick Margitza, Sébastien Llado, Glenn Ferris, Stéphane Belmondo, Anne Paceo, David Binney, John Betsch, Julie Saury, le groupe de salsa cubaine Metiswing, African Salsa Orchestra de Michel Pinheiro, Leon Parker, Laurent Mignard, Baptiste Herbin…

Leïla Olivesi a reçu plusieurs commandes de composition pour grands ensembles, orchestre symphonique et big band, des musiques de films, des chansons. Elle enseigne dans les conservatoires parisiens, au PSPBB et à la Sorbonne et donne des conférences sur Duke Ellington pour la Maison du Duke à Paris et la Duke Ellington Society of Sweden.

Leila, quelles sont tes principales influences ?

LO : J’ai grandi en écoutant Charlie Parker, Miles Davis, Thelonious Monk et John Coltrane, mais j’avais aussi un disque de New Orleans et un disque d’Erroll Garner. Adolescente, j’ai commencé à aller au New Morning et au festival de jazz de la Villette où j’ai écouté beaucoup de concerts notamment Joshua Redman avec Brad Mehldau, Ornette Coleman avec Geri Allen, Herbie Hancock…. 

Le groupe des Ptits Loups du jazz m’a fait aussi découvrir beaucoup de musique, j’avais treize ans quand on a enregistré notre premier disque et on partageait la scène avec de très grands musiciens : Al Levit, John Betsch, Stan Laferriere, Alain Jean-Marie, les frères Belmondo, Glenn Ferris etc. On chantait sur des mélodies de Duke Ellington, Thelonious Monk, Fats Waller, c’était une magnifique expérience.

Ensuite ma grande révélation fut Wayne Shorter. J’ai dû écouter ses disques cinq cent mille fois ! The Night Dreamer, Juju, Adam’s Apple… C’est aussi l’époque où j’ai découvert Art Blakey et les Jazz Messengers, Lee Morgan, Freddie Hubbard… 

Tous les disques d’Herbie ont beaucoup tourné sur ma platine également. 

J’ai aussi une grande admiration pour la musique et le jeu de piano de Danilo Perez (Motherland, Panamonk) alors quand il s’est mis à jouer dans le quartet de Wayne, c’est devenu une vraie fête !

DJ : Un meilleur et un pire souvenir de musicienne ?

LO : Mon meilleur souvenir de concert c’est au Festival de jazz d’Orléans je crois. J’y jouais avec mon quartet avec Donald Kontomanou, Yoni Zelnik, Manu Codjia. La musique était top, on jouait en plein air et le soleil était au rendez-vous. Cette sensation du soleil et du vent sur mes épaules tout en jouant de la musique avec des musiciens exceptionnels m’a vraiment transportée au septième ciel. J’en profite pour passer un appel à tous les festivals en plein air : I’m ready !

Le pire souvenir c’était je crois un concert d’école. On présentait les ateliers de l’IACP au Duc des Lombards. J’étais étudiante. Le piano était sous-mixé et j’étais obligée de jouer super fort pour m’entendre un tout petit peu, c’était ridicule ! A la fin, certaines touches étaient un peu roses, je me suis rendu compte que c’était mon sang ! J’avais tellement forcé que mes doigts avaient commencé à saigner et j’en avais mis partout. Je suis allée au bar chercher une éponge et j’ai nettoyé le clavier pour les pianistes suivants, bon esprit quand même !

DJ : Un mot ou une phrase pour définir le jazz selon toi ?

LO : La liberté, les couleurs et le rythme.

DJ : Si tu étais un standard de jazz ?

LO : Prelude to a kiss, en hommage à Duke Ellington qui est le sujet de mes recherches musicologiques depuis quelques années.

DJ : Peux-tu nous parler de la méthode pédagogique sur le jazz, dont tu es l’auteure et qui vient de paraître ?

LO : C’est une méthode qui résulte de mes nombreuses expériences d’enseignement du jazz en groupe avec pratique instrumentale, dans le milieu associatif, scolaire et au conservatoire. Ne trouvant pas de méthode dans le commerce, j’ai créé cette méthode moi-même au fil du temps pour mes élèves, avec des âges très variés et des profils très différents.

En résumé l’un des piliers est le rythme (binaire et swing) étudiés presqu’à chaque leçon. Ensuite j’accorde beaucoup d’importance à un apprentissage progressif, soit pour apprendre une mélodie partie par partie, soit pour apprendre des savoir-faire de base, sur les tonalités etc. A chaque leçon ou presque il y a une mise en pratique sur l’instrument pour comprendre concrètement les notions abordées.

L’autre élément important de ma pédagogie est de mettre l’élève à la place du professeur, pour assimiler les exercices en profondeur. Par exemple, ils composent des mesures de rythme qu’ils dictent aux autres, des riffs de blues etc. Ceux qui ont fini leur dictée avant les autres rejouent le rythme eux-mêmes au clavier pour ceux qui n’ont pas fini.

DJ : Quels sont tes projets ?

LO : Mon dernier disque la Suite Andamane est sorti juste avant le début de la période qu’on connaît depuis un an. Cet été, on devrait jouer dans quelques festivals avec mon nonet. J’ai hâte ! Et je prépare un nouvel album, je vous en dis plus dès que c’est prêt, promis !

DJ : On va guetter cela Leila !

Allez ! Une petite anecdote pour finir… J’ai connu Leila quand elle avait 13 ans et qu’elle faisait partie des « P’tits loups du jazz » dirigés par mon ami Olivier Caillard. Nous enregistrions un CD « le retour des p’tits loups », et Olivier m’avait demandé d’enregistrer une de mes compositions « Y’a pas d’papillons » et de faire un scat. Quelques semaines plus tard, en reçevant le CD, quelle ne fut pas ma surprise de constater que mon scat avait été doublé par un des enfants de la troupe : Leila !…

Voici le document ! (ou devrais-je dire : le dossier ! 😉

Ya pas d’papillons. Stan-Leila et les p’tits loups du jazz

Le site web de Leila

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